Page:Deubel - Chant pour l’amante, 1937.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


Chant pour l’Amante


Ô toi que je vénère à l’égal des Chimères
Qui ont armé tes doigts de leurs griffes d’acier,
Ô femme aux flancs flétris par l’œuvre de la mère
Je dépose humblement ma louange à tes pieds.

Au fond d’un bouge aveugle à la lumière d’or,
Parmi la double horreur de l’ivresse et des rides,
Un jour tu m’as tendu l’embûche de ton corps
Lové comme un serpent dans les ronces perfides.

Un jour j’ai recueilli la volupté divine
Au putride relent de ta bouche édentée ;
La vieillesse et la mort qui griffaient ta poitrine
Ont veillé mon sommeil au verger dévasté.

Et quand le désir fauve élargissant ses ondes
M’a grisé de son vin et souillé de sa lie,
Chaque fois j’ai senti de la minute immonde
Me remonter aux dents l’écume de la vie.

*

Femme ! j’allais vers toi, pèlerin de ton ombre.
Mes vingt ans sonnaient clairs sur le monde aux écoutes ;
Je cherchais dans le rêve aux fumantes décombres
Les yeux vers qui l’on va pour prétexter sa route.