Page:Dick - Les pirates du golfe St-Laurent, 1906.djvu/10

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— Turlututu, chapeau pointu… Je me moque de l’amour, moi… La mer : voilà ma maîtresse… Vive la mer !

Et le capitaine du « Marsouin » esquissa un pas de danse.

Mais la mine tragique de son compagnon arrêta net l’essor chorégraphique de l’ami Thomas.

Changeant de ton, il dit à brûle-point :

— Gaspard, tu seras vengé !… Gaspard, tu auras ma sœur !

Et comme l’autre le regardait avec étonnement :

— C’est moi qui lui tiens lieu de père, acheva Thomas, et je te la donne. Vas-tu la refuser de ma main, par hasard ?

Gaspard eut un brusque haut-le-corps.

— Toujours cette vieille antienne après le psaume… dit-il avec impatience… Me prends-tu pour un idiot ?

— À peu près… comme tous ceux, du reste, qui sont dans ton cas, — c’est-à-dire férus d’amour… grommela avec un grand sérieux l’impassible Thomas.

— Nous verrons bien… Attendons.

— C’est ce que j’allais conclure moi-même : attendons. Du reste, nous n’attendrons pas longtemps, — jusqu’à demain, tout au plus.

— Que vas-tu faire ?

— Rien pour le quart d’heure, si ce n’est m’occuper de notre diner. Tu sais que je n’ai pas d’idées quand mon ventre est vide. Mais tu vas voir lorsque j’aurai un peu apaisé le brouillard que j’ai là !…

Et Thomas, se tapant sur l’épigastre, se prit à crier comme un sourd :

— Hé ! là ! Jean Brest, cuisinier de vingtième classe !

Un des matelots allongés près du cabestan se leva aussitôt et répondit :

— On y est, capitaine.

— As-tu quelque chose à nous mettre sous la dent ?… Il est plus de midi et il vente une rage de faim dans nos boyaux.