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Quand tout fut prêt pour le départ, les deux capitaines et leur adjoint Gaspard escaladèrent les plus hauts rochers de l’îlot afin de tenir une dernière conférence et convenir de leurs faits.

Avant tout, ils explorèrent, au moyen de longues-vues marines, le golfe autour d’eux.

Quelques navires d’outre-mer, dont on ne voyait guère que les hautes voiles, descendaient le fleuve, là-bas, vers le sud, avec un bon vent d’ouest en poupe.

D’autres, à sec de toile, étaient immobiles, à l’aurore.

Pas une seule goélette en vue.

Aucun paquebot, non plus.

Le capitaine Pouliot, rentrant l’un dans l’autre les tubes de sa lorgnette, dit :

— La mer est libre : c’est le temps de filer.

— Et le vent propice : c’est l’heure de hisser de la toile, appuya Thomas, fermant lui aussi sa longue-vue.

— Vous tenez toujours à passer par Belle-Isle ? interrogea le capitaine Pouliot.

Thomas prit une mine contrite.

— Oh ! capitaine, dit-il, ce n’est pas par caprice, croyez-moi, et pour voir en passant la fumée s’élever au-dessus du toit maternel que j’y tiens.

— Alors, pourquoi rallonger votre course ?

Thomas courba la tête et fut dix secondes sans répondre.

— Tenez, capitaine, il faut que je vous dise ça ! reprit-il avec une franchise admirablement peinte.

Pouliot le regarda, un peu surpris, et voulut protester :

— Non pas… mon ami : si c’est un secret, gardez-le.

— Pas de secret entre nous !… Je me déboutonne.

Ici, Gaspard dressa l’oreille, inquiet, ne sachant pas où voulait en venir son compère.

Mais celui-ci, sans prendre garde à celui-là, reprit en baissant la voix :

— Capitaine, j’ai une sœur…

Pouliot inclina légèrement la tête, mais attendit la suite, sans manifester autrement sa curiosité.

— … Qui fait le désespoir de ma famille… continua le Français.