Page:Dick - Les pirates du golfe St-Laurent, 1906.djvu/24

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Ici, le Canadien hocha la tête en signe de condoléance.

Gaspard, lui, demeurait bouche bée.

— … Et conduit notre mère au tombeau ! acheva tragiquement le coquin de Thomas.

Pour le coup, Gaspard n’y tint plus.

— Thomas ! commença-t-il d’une voix sévère.

— Laisse donc, toi !… répliqua tranquillement son compère, avec un imperceptible clignement d’yeux.

Puis, se tournant vers le Canadien :

— Nous sommes des associés, capitaine, de francs associés… Nous jouons gros jeu… Pourquoi des cachotteries entre nous ?

— En effet… commença le marin québecquois…

Mais le rusé Thomas, pressé d’en venir à ses fins, ne le laissa pas s’engager plus loin.

Il acheva tout d’une haleine :

— Ma sœur, une très belle fille, est devenue amoureuse d’un sauvage, d’un Micmac… Je devrais plutôt dire qu’elle subit l’influence mystérieuse, — magnétisme ou maléfice, comme on voudra l’appeler, — de ce moricaud-là, qui campe dans les environs de la baie de Kécarpoui et qui n’a qu’à le vouloir pour qu’irrésistiblement elle se sente attirée là où il se trouve… C’est un vrai « sort ». Nous avons tout essayé pour la guérir de cette singulière folie, mais inutilement. Quand ce mécréant de Micmac est à portée de lui faire sentir son influence, elle se lève, toute troublée, et cherche à nous échapper pour l’aller rejoindre… Heureusement qu’elle prononce son nom : Arthur ! aussitôt que cette obsession étrange la prend : car, autrement, parole d’honneur, je ne sais pas ce qui pourrait arriver hors de notre connaissance…

— Voilà un cas bien singulier de magnétisme à distance ! remarqua le capitaine canadien.

Gaspard, lui, respirait plus à l’aise.

Il commençait à voir clair dans le jeu de son associé.