Page:Dick - Les pirates du golfe St-Laurent, 1906.djvu/53

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— As-tu la conscience astiquée ?

— Heu ! heu ! pourquoi cette question ?

— C’est que le « Marsouin » nous mène au diable, tu sais !

— La bonne blague !… Tout de même j’espère bien que, dans une petite heure, ce brave bateau de « Marsouin » y jettera l’ancre, dans cette satanée baie du « Diable », que je commence à entrevoir là-bas, au bout de notre beaupré.

Et Jean Brest, après avoir indiqué du doigt une vague dépression de la côte nord, ramena sa main sur son estomac, qu’il se prit à frotter comiquement, disant d’une voix plaintive :

— J’ai bien hâte d’aborder le plancher des vaches, nom d’un tonneau, car il commence à faire rudement soif là-dedans !

— À qui le dis-tu ! Holà ! ouf ! gémit comme un écho Jean Bec.

— Encore un peu de patience, mes Jean-Jean, ânonna paternellement Thomas. Nous laisserons mollir le vent, dans cette aimable baie de l’amiral des Enfers, tout en mettant en perce un des tonneaux recueillis là-bas.

— Bravo ! « Vive le capitaine du « Marsouin », cria Jean Brest.

— « Captain Thomas for ever » !… Hurrah ! fit à son tour Jean Bec, qui, en sa qualité de Québecquois, avait une teinture d’anglais.

Et le « Marsouin », bondissant comme son homonyme amphibie sur les vagues démontées, filait toujours, filait éperdument !

Les hauts mornes de Terre-Neuve se noyaient peu à peu dans le brouillard, tandis que les falaises crayeuses de la rive nord accentuaient à vue d’œil leurs assises monumentales et leurs dentelures baignant dans la mer.

Thomas, connaissant mieux que son compère les abords de cette baie du « Diable » où l’on voulait faire escale, remplaça Gaspard à la roue.

Et tout le monde prit position en vue du mouillage : les matelots aux drisses, Gaspard au guindeau.