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Le timonier, les deux mains sur la roue, attentif à la direction suivie par son vaisseau, scrutait du regard ce chaos rocheux où son œil exercé distinguait le thalweg assombri indiquant l’ouverture de la baie du « Diable. »

À une couple d’arpents des falaises, il commanda :

— Bas la misaine et la grand’voile ! Largue un peu les focs !

Aussitôt les poulies mises en jeu crièrent et les voiles des deux mâts tombèrent, en gros plis, sur le pont.

Le « Marsouin », se relevant d’aplomb, courut sur son erre et sous l’impulsion de ses voiles de beaupré jusqu’à toucher pour ainsi dire, la falaise… Alors, obéissant à son gouvernail, il décrivit une courbe sous le vent et s’engouffra dans une étroite baie en forme de C, qui le ramena finalement dans la direction nord-est, où il trouva enfin une eau calme, hors des atteintes de la tempête.

On laissa tomber l’ancre.

Et les quatre hardis aventuriers, bien qu’ils en eussent vu de « toutes les couleurs » depuis qu’ils parcouraient la « grande berceuse », ne purent s’empêcher de pousser un long soupir de soulagement.

Il était quatre heures du matin et le globe rouge-feu du soleil brillait déjà au-dessus des hauts massifs de Terre-Neuve.


CHAPITRE VIII

DANS LA BAIE DU DIABLE. — OÙ JEAN BEC ET JEAN BREST EN CONTENT DE BELLES.


Cette baie du « Diable », en dépit de son nom peu… hospitalier, présente plus d’un avantage, comme refuge, en cas de tempête.

De faible étendue, il est vrai, elle n’en est pas moins très profonde et fort bien abritée contre le vent d’est, qui vient se briser sur la muraille à pic de sa rive gauche.

Mais le « sorouêt », — la brise dominante, en été — s’y engouffre comme chez lui, soufflant dans ce « retrait » ainsi que dans un immense colimaçon.