Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/120

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M. Weevle réfléchit quelques instants ; il secoue la tête, et ne croit pas que ces lettres aient été sauvées.

« Comprenez-moi bien, Tony, reprend William en se dirigeant vers Cook’s-Court ; je puis, sans rien dire de plus, vous répéter que l’idole est détruite, et que mon seul but est d’ensevelir tout ce qui s’y rattache dans un profond oubli ; c’est un devoir que je me suis imposé par respect pour moi-même et pour l’image avariée qui fut autrefois dans mon cœur ; si donc, par un geste, un clignement d’œil, vous m’annonciez que vous avez découvert, dans votre ancienne demeure, les papiers en question, je vous le déclare, Tony, je les brûlerais immédiatement sous ma propre responsabilité. »

M. Weevle fait un signe d’approbation ; et M. Guppy, satisfait de lui-même, et grandi à ses propres yeux par la manière éloquente dont il a dit ces paroles, marche d’un air digne à côté de son ami.

Jamais, depuis qu’elle existe, la petite cour n’a possédé une source de commérages aussi féconde que les faits mystérieux qui s’accomplissent dans l’ancienne boutique du vieux Krook. Tous les jours, à huit heures du matin, le grand-père Smallweed, accompagné de sa femme, de sa petite-fille et de son petit-fils, est apporté dans le susdit magasin, où toute la famille s’installe jusqu’à neuf heures du soir, fouillant, remuant, creusant, défonçant tout ce qu’elle trouve, plongeant au milieu des trésors du défunt, et ne s’interrompant dans ses recherches que pour faire un dîner aussi peu savoureux qu’abondant, acheté chez le gargotier. Quels peuvent être ces trésors dont le secret est si profondément gardé ? La petite cour en devient folle. Dans son délire, elle ne rêve que de guinées s’échappant de vieilles théières, d’écus entassés dans de vieux pots, et de fauteuils et de matelas rembourrés de billets de banque. Elle se procure un exemplaire de douze sous (avec frontispice colorié) de l’histoire de Daniel Dancer et de sa sœur, un autre de la vie de M. Elwes[1] de Suffolk, et attribue à M. Krook tous les faits rapportés dans ces récits authentiques. Deux fois, lorsque le chiffonnier est venu prendre une charretée de vieux papiers, de cendres et de bouteilles cassées, toute la cour s’est réunie pour fureter dans les paniers qu’il emportait. Les deux gentlemen dont la petite plume avide écrit les faits divers sur du papier végétal rôdent continuellement dans le voisinage, en évitant toutefois de se

  1. Célèbre usurier parvenu à une fortune fabuleuse.
    (Note du traducteur.)