Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/150

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— Vous voyez bien ! reprit mon tuteur d’un air de triomphe ; j’en étais sûr. Il ne se doute pas de la gravité du fait, et rend compte de cette action avec autant de simplicité qu’il en a mis à la faire ; mais nous irons le voir un de ces jours, et vous comprendrez mieux sa nature. D’ailleurs, il faut que je lui parle, et surtout que je lui recommande de ne rien coûter à ce pauvre Richard. »

Quelque temps après, nous partîmes de grand matin pour Londres, et nous allâmes frapper à la porte de M. Skimpole. Il demeurait dans Somers-Town, où il occupait la même maison depuis plusieurs années, grâce probablement à son ami un tel, qui en payait le loyer, à moins que son inaptitude à comprendre les affaires n’eût rendu très-difficile de l’en mettre dehors. Cette maison était aussi délabrée que nous nous y attendions ; plusieurs barreaux manquaient à la grille extérieure, la gouttière était brisée, le marteau dérangé, la sonnette décrochée ; bref, l’empreinte de pas crottés sur les marches de la porte était la seule chose à laquelle on pût reconnaître que cette demeure fût habitée.

Une grosse fille dégoûtante, dont l’embonpoint semblait vouloir sortir par ses vêtements craqués, entrebâilla la porte, et, reconnaissant mon tuteur, nous fit entrer en nous répondant que M. Skimpole était en haut.

Nous montâmes donc, ne trouvant sur les marches que la boue déposée par les allants et les venants. M. Jarndyce entra sans plus de cérémonie, et nous entrâmes avec lui dans une chambre passablement obscure et malpropre, qui ne manquait pas d’un certain luxe bizarre et misérable dans tout l’ameublement. On y voyait un piano, un canapé, une quantité de fauteuils, de coussins, de tabourets, de livres de musique, de journaux, de crayons, de tableaux et de dessins. L’un des carreaux des fenêtres avait été raccommodé à l’aide d’un morceau de papier collé avec des pains à cacheter ; mais, sur la table, se trouvaient une assiettée de raisins, une autre de brugnons de serre, des biscuits et un flacon de vin fin.

M. Skimpole, à demi couché sur le sofa, prenait son café dans une tasse de vieux Sèvres en regardant les fleurs qui garnissaient le balcon. Il vint à nous avec sa grâce ordinaire, et, nous faisant asseoir, chose assez difficile, car la plupart des sièges étaient brisés :

« Vous voyez, dit-il, je suis en train de déjeuner ; on ne saurait être plus frugal. Il y a des gens à qui il faut un aloyau de bœuf ou un gigot de mouton dès le matin ; moi, pas du tout.