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Que j’aie une pêche, une bonne tasse de café, une bouteille de vieux bordeaux, je n’en demande pas davantage ; encore est-ce moins pour les consommer que pour les voir. Ils me font penser au soleil du midi. Allez donc trouver le moindre souvenir solaire dans un rosbif ou un gigot ? Pure satisfaction animale !

— Cette pièce est le cabinet de consultation de notre ami, ou du moins l’aurait été s’il eût exercé la médecine, dit mon tuteur.

— Oui, c’est la cage où l’oiseau chante, répliqua M. Skimpole. De temps en temps des fâcheux lui arrachent quelques plumes et lui rognent les ailes ; mais la gaieté lui reste, et il n’en chante pas moins, ajouta-t-il en nous offrant du raisin.

— Il est magnifique ! dit mon tuteur. C’est un cadeau ?

— Non pas ; c’est un aimable jardinier qui l’a fait venir et qui le vend à tout le monde. La dernière fois qu’il en apporta, poursuivit le vieil enfant, son garçon me fit demander s’il devait attendre l’argent. C’est tout à fait inutile, lui répondis-je, à moins que vous n’ayez du temps à perdre. Mais je n’oublierai jamais la journée délicieuse que vous me procurez aujourd’hui, je veux l’appeler désormais la Sainte-Clare et la Sainte-Summerson. Il faut que vous voyiez mes filles ; elles seront enchantées de vous connaître. L’une a des yeux bleus ; c’est ma beauté ; la seconde est une brune sentimentale, et la troisième est l’esprit en personne. »

Il se leva pour les faire avertir ; mais mon tuteur lui demanda auparavant quelques minutes d’entretien.

« Autant que vous voudrez, mon cher ami, répondit-il. Vous savez qu’ici l’on ne s’inquiète jamais des heures. Ce n’est pas le moyen, direz-vous, de réussir dans la vie. Assurément, vous répondrai-je ; mais nous n’avons jamais eu la prétention d’y parvenir.

— C’est à propos de Richard que j’ai à vous parler, reprit M. Jarndyce.

— Le meilleur de mes amis, répliqua M. Skimpole. Je ne devrais pas dire cela devant vous, je sais que vous êtes mal ensemble ; mais ce n’est pas ma faute. Il a tant de jeunesse et de poésie, qu’il m’est impossible de ne pas l’aimer, quand même cela devrait vous déplaire.

— Vous avez raison, dit mon tuteur, et je vous remercie de l’affection que vous lui portez. Aimez-le autant que vous voudrez, Harold, mais épargnez sa bourse.

— Je ne demanderais pas mieux ; mais je ne vous comprends pas, répondit M. Skimpole en trempant un biscuit dans son verre.