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Je pensai qu’il valait mieux ne pas l’irriter davantage en essayant de le contredire, et je lui remis la lettre qu’Éva m’avait donnée pour lui.

« Dois-je la lire à présent ? » demanda-t-il.

Sur ma réponse affirmative, il en brisa le cachet, la posa sur la table, et appuyant son front sur sa main, il en commença la lecture. Un instant après, il porta son autre main à sa tête pour me cacher son visage ; puis il se leva comme s’il n’y eût pas vu à la place qu’il occupait, et s’approcha de la fenêtre. Quand il eut terminé sa lecture, il revint auprès de moi, et je vis des larmes dans ses yeux.

« Vous savez ce qu’elle me dit ? reprit-il d’une voix plus douce et en baisant la lettre, qu’il tenait toujours.

— Oui, répliquai-je.

— Elle m’offre la petite fortune dont elle jouira bientôt (précisément la somme que j’ai déjà dépensée), afin, dit-elle, que je puisse payer mes dettes et garder mon brevet.

— Je sais, lui dis-je, que votre repos est tout ce qu’elle a de plus cher ; c’est un si noble cœur !

— Oh ! oui, noble et pur ! Que je voudrais être mort ! »

Il retourna près de la fenêtre pour me dissimuler son émotion.

« Et c’est un pareil cœur, reprit-il après quelques instants de silence, que cet homme voulait éloigner de moi ! La pauvre enfant ! ajouta-t-il avec une indignation croissante ; elle me fait cette offre généreuse, de la maison même du sieur Jarndyce, et probablement par le conseil dudit individu, afin de me séduire et d’acheter ainsi la renonciation à laquelle on est intéressé.

— Richard, c’est indigne ! » m’écriai-je à mon tour.

C’était la première fois que je me fâchais contre lui, et ma colère ne dura qu’une seconde.

« Je vous en prie, lui dis-je, ne me parlez pas ainsi, Richard. »

Il reconnut ses torts et me demanda pardon mille fois de la manière la plus franche et la plus chaleureuse ; puis s’asseyant à côté de moi :

« Je n’ai pas besoin de vous dire, poursuivit-il, que je ne puis pas accepter l’offre de ma cousine. D’ailleurs, à quoi bon ? J’ai là des papiers qui vous donneront la preuve qu’il faut absolument que je renonce à l’uniforme ; et c’est une consolation pour moi, au milieu de tous mes ennuis, de songer qu’en surveillant mes intérêts je servirai ceux d’Éva. Ils sont les mêmes que les miens, Dieu merci ; Vholes ne peut agir en mon nom sans