Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/188

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figure avec sa manche, et que tout en sifflant le God save the queen pour dissiper sa mauvaise humeur, il ne parvient pas à réprimer certains mouvements de la tête et de la poitrine, sans parler de son col de chemise qu’il ouvre de temps en temps comme s’il craignait de suffoquer.

Le docteur ne doute plus le moins du monde de ce qui serait arrivé, si M. Georges et M. Tulkinghorn s’étaient rencontrés sur quelque champ de bataille.

Phil vient de ramener Jo et le conduit à son matelas, où il l’aide à s’étendre ; il reçoit les instructions du docteur, qui, après avoir administré lui-même quelques gouttes d’un élixir au malade, retourne chez lui, s’habille à la hâte, déjeune et va trouver M. Jarndyce pour lui faire part de sa découverte. Celui-ci l’accompagne immédiatement chez M. Georges, en lui disant qu’il y a de graves motifs pour que cette aventure, à laquelle il paraît prendre un sérieux intérêt, soit tenue secrète autant que possible. Jo répète à M. Jarndyce tout ce qu’il a dit au docteur, sans varier d’une syllabe. Seulement la charrette qu’il trouvait déjà si lourde, ce matin, sur sa poitrine, est plus pesante encore, et fait un bruit plus caverneux que dans la matinée.

« Laissez-moi rester là ; n’me chassez pas, balbutie le pauvre Jo ; qu’est-ce qui voudrait ben, en passant près de l’endrêt où c’que j’avais coutume de balayer, dire à M. Sangsby, qu’Jo, qu’il a connu autr’fois, circule, circule, comme on l’y a commandé ; et qu’i’ lui est ben reconnaissant, et voudrait l’être encore pus, si c’était possible à un misérab’ comme lui ? »

Jo parle si souvent du papetier, qu’après avoir consulté M. Jarndyce, le docteur se décide à aller trouver M. Snagsby. Au moment où il arrive chez le papetier, celui-ci est derrière son comptoir ; il a son habit gris, ses manches de lustrine, et collationne plusieurs contrats sur parchemin que l’expéditionnaire vient justement de lui rapporter. Il pose sa plume et salue l’étranger de la toux préparatoire dont il fait en général précéder ses transactions commerciales.

  • Vous ne me reconnaissez pas, monsieur Snagsby ? » lui demande M. Woodcourt.

Le cœur du papetier bat violemment, car il est toujours en proie aux mêmes appréhensions ; et c’est tout au plus s’il a la force de répondre. « Je ne puis pas dire que… et à parler sans détour, je ne me rappelle pas vous avoir jamais vu.

— Deux fois, monsieur : la première au lit de mort d’un malheureux, et la seconde…

— Ah ! pardon, monsieur, je me souviens parfaitement ; » et