Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/189

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le pauvre homme conserve encore assez de présence d’esprit pour conduire le docteur dans l’arrière-boutique dont il ferme la porte.

« Êtes-vous marié, monsieur ? lui dit-il.

— Pas encore.

— Quoique célibataire, seriez-vous assez bon, continue le papetier d’un air mélancolique, pour parler à voix basse ? car je parierais cinq cents livres que ma petite femme nous écoute ; je n’ai jamais eu de secret pour elle, monsieur, et je n’ai pas sur la conscience d’avoir, jusqu’ici, rien caché à ma petite femme ; pour tout dire, je ne l’aurais pas osé ; et malgré cela, je me trouve mêlé à tant de mystères, que la vie m’est devenue un fardeau. »

M. Woodcourt exprime tous les regrets que lui inspire la position du papetier, et lui demande s’il se rappelle un balayeur nommé Jo.

« Après moi, monsieur, répond-il avec abattement, c’est la personne contre laquelle ma petite femme est le plus montée.

— Pourquoi cela ?

— Pourquoi ! s’écrie-t-il en saisissant la touffe de cheveux qui est derrière sa tête chauve ; je n’en sais rien moi-même. Mais vous êtes célibataire, monsieur ; sans cela vous ne feriez pas une pareille question à un homme marié. »

M. Snagsby, après avoir toussé tristement, se résigne enfin à écouter le docteur.

« Encore ! dit-il en pâlissant ; mon Dieu ! où en suis-je ? Il y a une personne qui me recommande instamment de ne parler de Jo à âme qui vive, pas même à ma petite femme ; et voilà, monsieur, que vous venez m’entretenir de ce même Jo, en me recommandant également le secret le plus absolu, surtout à l’égard de la personne en question, et sans que je sache pourquoi ; mais c’est à en devenir fou, monsieur ! »

Néanmoins, comme les choses tournent mieux qu’il ne s’y attendait, et qu’après tout il a bon cœur, il est touché de la position du pauvre Jo, et promet, si toutefois sa femme n’y met pas obstacle, de passer chez M. Georges le soir même, aussitôt qu’il pourra s’échapper.

Jo éprouve une joie profonde en revoyant son ancien ami ; à peine les a-t-on laissés seuls, que le pauvre enfant essaye de dire au papetier combien il le trouve « bon d’avoir venu si loin pour un malheureux comme lui. » Et le brave homme, touché du spectacle qu’il a sous les yeux, pose sur la table son petit écu, panacée infaillible, qui, dans son opinion, doit guérir tous les maux.