Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/236

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— Je vous demande si vous avez besoin de quelque chose qui puisse adoucir pour vous les rigueurs de la prison.

— Bien obligé, monsieur ; mais le tabac n’étant pas admis par la consigne, je ne vois pas qu’est-ce qui pourrait me manquer.

— Pensez-y, Georges ; et si vous désirez quoi que ce soit, veuillez me le faire connaître.

— Merci, monsieur, répondit-il en souriant ; mais un homme qui a couru le monde comme je l’ai fait, s’accommode de tout ce qu’il trouve, même dans un endroit comme celui-ci.

— Et à propos de ce meurtre dont vous êtes accusé, où en êtes-vous ? lui demanda mon tuteur.

— L’interrogatoire va toujours. Bucket m’a fait entendre qu’il reviendrait me questionner de temps en temps jusqu’à ce que l’affaire soit complétement instruite. Je ne vois pas ce qu’ils ont encore à me demander ; mais je suppose que Bucket sait comment cela se conduit.

— Dieu me pardonne ! s’écria mon tuteur, on dirait que cela ne vous regarde même pas.

— Excusez-moi, monsieur ; je suis très-sensible à vos bontés, seulement je ne comprends pas comment un honnête homme pourrait prendre la chose différemment sans se briser à l’instant la tête contre les murs.

— Je ne dis pas non ; mais il ne suffit pas d’être innocent, il faut encore le prouver et se défendre.

— C’est ce que j’ai fait, monsieur. J’ai dit aux magistrats : « Gentlemen, tous les faits qu’on m’oppose sont vrais ; mais je n’en suis pas moins innocent du crime dont on m’accuse ; je n’en sais pas davantage. » Je le répéterai s’ils me le demandent. Que faire de plus, puisque j’ai dit la vérité ?

— Mais la vérité ne suffit pas, répliqua mon tuteur.

— Vraiment, monsieur ? C’est une triste perspective que vous me présentez là, répondit-il avec gaieté.

— Il vous faut un avocat, reprit M. Jarndyce.

— Pardon, monsieur, dit le maître d’armes en reculant de quelques pas, je vous suis très-reconnaissant ; mais je suis bien résolu à ne plus avoir affaire avec tous ces gens-là.

— Vous ne voulez pas de défenseur ?

— Non, monsieur. Merci mille fois ; mais je ne veux pas d’avocat.

— Et pourquoi ?

— C’est une engeance que je n’aime pas. Gridley était comme moi ; et mille pardons, monsieur, mais j’étais persuadé que vous ne les aimiez pas plus que nous. »