Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/294

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compter par minutes et de diviser le temps d’une manière aussi précise ; vous voyez que Sa Seigneurie leur a laissé sa montre, ou qu’ils la lui ont prise ; je pense plutôt qu’elle la leur a donnée ; mais dans quel but ? Si nous avions eu le temps, la seule chose qui nous manque, j’aurais trouvé le moyen de faire sortir cette pauvre Liz et de lui parler ; mais c’est une chance trop mince, en comparaison du temps qu’elle nous aurait fait perdre ; ils la surveillent de près, et chacun sait qu’une pauvre créature battue du matin au soir, couturée et meurtrie des pieds jusqu’à la tête, obéira quand même au mari qui la maltraite ainsi ; mais on nous cache quelque chose, et c’est fâcheux que l’autre femme ne se soit pas trouvée là.

— Je le regrette excessivement, répondis-je, car elle est très-reconnaissante, et je suis sûre qu’elle aurait cédé à mes prières.

— Il est possible, reprit M. Bucket après un instant de réflexion, que milady l’ait envoyée à Londres avec un mot pour vous, et qu’elle ait donné sa montre au mari pour qu’il consente à la laisser partir. C’est loin d’être une chose sûre ; mais enfin c’est possible ; toujours est-il que notre route est vers le nord ; en avant donc ! et tâchons d’être calmes. »

La neige avait commencé au point du jour et tombait à gros flocons ; le ciel était si sombre et cette neige si épaisse qu’on voyait à peine à quelques pas devant soi ; malgré un froid très-vif, les chemins étaient affreux et les chevaux glissaient dans une boue liquide, demi-glacée, qui craquait sous leurs fers, et où ils enfonçaient au point que nous fûmes obligés de nous arrêter pour les laisser reposer ; l’un d’eux tomba trois fois dans ce premier relais, et avait tant de peine à se soutenir, que le postillon, mit pied à terre pour le conduire par la bride. Je ne pouvais ni manger ni dormir ; la lenteur de notre marche me causait une irritation tellement vive, que j’éprouvais un désir inconcevable de descendre de voiture et de continuer la route à pied. Je me rendis cependant aux observations de M. Bucket et restai à ma place, tandis que, soutenu par l’intérêt de la poursuite, mon compagnon, toujours dispos, s’arrêtait à chaque maison qu’il voyait sur la route, se chauffait à tous les feux, parlait avec tout le monde comme avec d’anciennes connaissances, buvait à chaque auberge, causait avec les charretiers, le charron, le maréchal, le percepteur, ne perdant pas une minute ; et, remontant sur le siége, l’œil au guet, l’air sérieux, disait au postillon d’une voix calme et néanmoins pressante : « Partons, mon ami, partons ! »

Lorsque nous arrivâmes au second relais, il vint à moi en se-