Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/295

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couant la neige qui couvrait son manteau ; et, enfonçant dans la boue jusqu’à mi-jambe :

« Ne vous désolez pas, me dit-il ; rassurez-vous au contraire ; elle a passé par ici, elle a été vue, j’en suis sûr ; on vient de me dire la manière dont elle est habillée ; c’est on ne peut plus certain.

— Toujours à pied ? demandai-je.

— Toujours ; il est probable qu’elle se dirige vers la maison de ce gentleman dont vous m’avez parlé ; et cependant j’ai des doutes, en songeant qu’il demeure précisément à côté de Chesney-Wold.

— Je suis si peu au fait de ses habitudes, répondis-je, qu’il est très-possible qu’elle connaisse près d’ici quelque personne dont j’ignore l’existence.

— Vous avez raison ; mais, quoi qu’il en soit, ne pleurez pas, chère demoiselle, et faites tous vos efforts pour ne pas vous tourmenter. Allons, postillon, vite, mon ami, vite ! »

Le givre ne cessa pas de tomber pendant toute la journée, et se compliqua d’un brouillard épais qui commença de bonne heure et dura jusqu’au soir. Je n’ai jamais vu de chemins aussi horribles ; je croyais parfois que nous avions quitté la route et que nous nous trouvions dans les terres labourées ou bien dans un marais ; j’avais perdu toute idée de la durée du temps ; il me semblait que j’étais partie depuis une époque dont je n’avais plus le souvenir, et que j’avais éprouvé toute ma vie l’anxiété où je me trouvais alors.

À mesure que nous avancions, je sentais vaguement que la confiance de M. Bucket s’ébranlait de plus en plus. Il conservait sa verve et sa gaieté avec les gens qu’il trouvait sur la route ; mais il reprenait sa place d’un air plus grave, et passa son doigt sur ses lèvres pendant tout un relais avec un sentiment d’inquiétude évidente ; je l’entendais demander aux conducteurs de diligences, aux cochers, aux charretiers, à tous ceux qui venaient à nous, quelles étaient les personnes qui se trouvaient dans les voitures qu’ils avaient rencontrées, et leurs réponses n’étaient pas encourageantes.

Enfin, quand nous changeâmes de chevaux, il me dit qu’il avait perdu depuis si longtemps la trace de milady, qu’il commençait à en être étonné. Tant qu’il n’avait fait que la perdre un instant pour la retrouver ensuite, il ne s’en était pas inquiété ; mais elle avait disparu tout à coup, et depuis lors il n’avait trouvé personne qui eût même aperçu les vêtements qu’on lui avait signalés. « Toutefois, me dit-il, ne désespérez pas ; il est probable qu’au premier relais nous serons remis sur la voie. »