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LES CARILLONS.


— Vraisemblablement, sir Joseph ; je le crois. Ce que je vais vous dire n’en sera pas moins la vérité. Peut-être ce n’est pas sans preuves que je vais parler. Gens riches, j’ai vécu maintes années dans ce canton. Vous pouvez apercevoir ma chaumière là-bas par-dessus la palissade qui s’est affaissée. J’ai cent fois vu les dames la dessiner dans leurs albums. J’ai entendu dire qu’elle ferait très-bien dans une peinture. Mais il n’y a pas de mauvaise saison dans les peintures, et cette chaumière est meilleure pour figurer en tableau que pour servir d’abri à quelqu’un qui l’habite. Eh bien ! j’y ai vécu, moi… vécu d’une vie bien dure, bien amère, croyez-le, chaque jour de l’année, oui, chaque jour, vous pouvez en juger par vous-mêmes. »

Il parlait comme il avait parlé le soir que Trotty le rencontra dans la rue. Sa voix était plus sourde et plus rauque, avec un tremblement par intervalles ; mais la colère ne l’éleva jamais au-dessus de cette intonation ; il conserva jusqu’au bout l’accent égal et ferme qui convenait au simple récit qu’il faisait.

« Il est plus difficile que vous ne pensez, gens riches, de s’élever honnêtement dans une pareille demeure. Que j’y sois devenu un homme et non pas une brute, c’est quelque chose, je vous assure quelque chose qui peut parler en ma faveur ; je veux parler de ce que j’étais. Ce que je suis, c’est autre chose ; il n’y a plus