Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/239

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— Cette condition, dit ma tante, sans diminuer en rien ma reconnaissance du service que vous me rendez, me met plus à mon aise : je serai enchantée de le laisser ici.

— Alors, venez voir ma petite ménagère, » dit M. Wickfleld.

En conséquence, nous montâmes un ancien escalier de chêne avec une rampe si large, qu’on aurait pu aussi aisément marcher dessus, et nous entrâmes dans un vieux salon un peu sombre, éclairé par trois ou quatre des bizarres fenêtres que j’avais remarquées de la rue. Il y avait dans les embrasures, des sièges en chêne, qui semblaient provenir des mêmes arbres que le parquet ciré et les grandes poutres du plafond. La chambre était joliment meublée d’un piano et d’un meuble éclatant, vert et rouge ; il y avait des fleurs dans les vases. On n’y voyait que coins et recoins, garnis chacun d’une petite table ou d’un chiffonnier, d’un fauteuil ou d’une bibliothèque, si bien que je me disais à tout moment qu’il n’y avait pas dans la chambre un autre coin aussi charmant que celui où je me trouvais ; puis je découvrais l’instant d’après quelque retraite plus agréable encore. Le salon portait le cachet de repos et d’exquise propreté qui caractérisait la maison à l’extérieur.

M. Wickfield frappa à une porte vitrée pratiquée dans un coin de la chambre tapissée de lambris, et une petite fille à peu près de mon âge sortit aussitôt et l’embrassa. Je reconnus immédiatement sur son visage l’expression douce et sereine de la dame dont le portrait m’avait frappé au rez-de-chaussée. Il me semblait dans mon imagination que c’était le portrait qui avait grandi de manière à devenir une femme, mais que l’original était resté enfant. Elle avait l’air gai et heureux, ce qui n’empêchait pas son visage et ses manières de respirer une tranquillité d’âme, une sérénité que je n’ai jamais oubliées, que je n’oublierai jamais.

« Voilà, nous dit M. Wickfield, ma ménagère, ma fille Agnès. » Quand j’entendis le ton dont il prononçait ces paroles, quand je vis la manière dont il tenait sa main, je compris que c’était elle qui était le but unique de sa vie.

Un petit panier en miniature, pour contenir son trousseau de clefs, pendait à son côté, et elle avait l’air d’une maîtresse de maison assez grave et assez entendue pour gouverner cette vieille demeure. Elle écouta d’un air d’intérêt ce que son père lui dit de moi, et quand il eut fini, elle proposa à ma tante de monter avec elle pour voir mon logis. Nous y allâmes tous ensemble ; elle nous montra le chemin et ouvrit la porte