Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/288

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sera avocat et portera perruque. Je suis surpris de le trouver si modeste : il est d’une apparence moins imposante que je n’aurais cru. Il n’a pas encore bouleversé le monde, comme je m’y attendais, car il me semble, autant que je puis en juger, que las choses vont à peu près de même qu’avant l’entrée d’Adams dans la vie active.

Ici une lacune où les grands guerriers de l’histoire et de la poésie défilent devant moi en armées innombrables ; cela n’en finit pas. Qu’est-ce qui vient ensuite ? Je suis à la tête de la classe, et je regarde de ma hauteur la longue file de mes camarades, en remarquant avec un intérêt plein de condesendance ceux qui me rappellent ce que j’étais quand je suis entré à la pension. Il me semble, du reste, que je n’ai plus rien à faire avec cet enfant-là, je me souviens de lui comme de quelque chose qu’on a laissé sur la route de la vie, quelque chose près duquel j’ai passé, et je pense parfois à lui comme à un étranger.

Et la petite fille que j’ai vue en arrivant chez M. Wickfield, où est-elle ? Elle a disparu aussi. À sa place une créature qui ressemble parfaitement au portrait, et qui n’est plus une enfant, gouverne la maison ; Agnès, ma chère sœur, comme je l’appelle dans mes pensées, mon guide, mon amie, le bon ange de tous ceux qui vivent sous son influence de paix, de vertu et de modestie, Agnès est devenue une femme.

Quel nouveau changement s’est opéré en moi ? J’ai grandi, mes traits se sont formés, j’ai recueilli quelque instruction durant les années qui viennent de s’écouler. Je porte une montre d’or avec une chaîne, une bague au petit doigt, un habit à pans, et j’abuse de la graisse d’ours ce qui, rapproché de la bague sent un peu son mauvais sujet. Serais-je redevenu amoureux ? oui. J’adore miss Larkins l’aînée.

Miss Larkins l’aînée n’est pas une petite fille. Elle est grande, bien faite ; elle a les yeux et les cheveux noirs. Miss Larkins l’aînée est loin d’être une enfant, car miss Larkins la cadette a dépassé cet âge heureux, et sa sœur a trois ou quatre ans de plus qu’elle. Miss Larkins l’aînée a peut-être trente ans. Ma passion pour elle est effrénée.

Miss Larkins l’aînée connaît des officiers ; c’est une chose bien pénible à supporter. Je les vois lui parler dans la rue. Je les vois traverser la chaussée pour venir au-devant d’elle, quand ils aperçoivent son chapeau (elle aime les chapeaux de couleurs voyantes) accompagné de celui de sa sœur descendre