Aller au contenu

Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/291

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

je n’en doute pas. Peu m’importe ! j’ai bien souffert, moi ! Je valse avec miss Lakins l’aînée ; je ne sais pas où je suis, qui m’entoure, combien de temps dure mon bonheur. Je sais seulement que je flotte dans l’espace avec un ange bleu, et que je suis dans un rêve de délices, jusqu’au moment où je me trouve assis près d’elle sur un canapé. Nous sommes seuls dans un petit salon. Elle admire le camélia rose du Japon que je porte à ma boutonnière. Il m’a coûté trois schellings, je le lui donne, en disant :

« J’en demande un prix exorbitant, miss Larkins !

— En vérité ! que voulez-vous avoir en retour ? répond-elle.

— Une de vos fleurs pour la conserver comme un avare garde son or.

— Vous êtes un petit téméraire, dit miss Larkins. Tenez ! »

Elle me donne une fleur de très-bonne grâce, je la porte à mes lèvres, puis je la cache dans mon sein. Miss Larkins se met à rire et me prend le bras en me disant :

« Maintenant, ramenez-moi au capitaine Bailey. »

Je suis encore plongé dans le souvenir de ce délicieux tête-à-tête et de la valse passée, quand elle s’approche de nouveau de moi, en donnant le bras à un homme d’un âge mûr, qui a joué au Whist toute la soirée.

« Tenez, lui dit-elle, voilà mon petit téméraire. M. Chestle désire faire votre connaissance, monsieur Copperfield. »

Je pense à l’instant que ce doit être un ami de la famille, et je suis enchanté.

« Je comprends votre goût, monsieur, dit M. Chestle. Il vous fait honneur. Je suppose que vous ne prenez pas grand intérêt à la culture du houblon, quoique vous en aimiez les fleurs, mais j’ai une assez grande propriété où j’en cultive, et si vous aviez jamais la fantaisie de venir dans nos environs, près d’Ashford, et de visiter notre résidence, nous serions heureux de vous recevoir et de vous garder le plus longtemps possible. »

Je remercie vivement M. Chestle, et je lui donne une poignée de main. II me semble que je fais un beau rêve. Je valse de nouveau avec miss Larkins l’aînée ; elle me dit que je valse très-bien ! Je rentre chez moi, plein d’un bonheur inexprimable. Je valse en imagination pendant toute la nuit, en tenant serrée dans mes bras la taille de ma divinité. Pendant quelques jours je suis plongé dans des rêveries délicieuses, mais je ne la rencontre plus dans la rue, et elle n’est pas chez