Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/348

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à l’une de ces roues sur lesquelles les Ixions de nos jours tournent éternellement. J’ai manqué mon apprentissage, et cela ne m’importe guère. À propos, savez-vous que j’ai acheté un bateau ici ?

— Quel étrange garçon vous faites, Steerforth ! m’écriai-je en m’arrêtant, car c’était la première fois que j’en entendais parler. Comme si vous deviez avoir jamais la fantaisie de revenir ici !

— Je ne sais pas ! l’endroit me plaît. En tous cas, continua-t-il, en hâtant le pas, j’ai acheté un bateau qui était à vendre ; c’est un caboteur, à ce que dit M. Peggotty, et c’est lui qui le commandera en mon absence.

— Maintenant, je comprends, Steerforth ! dis-je avec ravissement. Vous faites semblant d’avoir acheté ce bateau pour vous-même, mais c’est en réalité pour rendre service à M. Peggotty ; j’aurais dû le deviner, vous connaissant comme je vous connais. Mon cher Steerforth, comment vous dire tout ce que je pense de votre générosité ?

— Chut ! dit-il en rougissant ; moins vous en parlerez, mieux cela vaudra.

— Quand je vous disais, m’écriai-je, qu’il n’y a pas une joie, un chagrin ni une seule émotion de ces braves gens, qui pût vous être indifférente ?

— Oui, oui, répondit-il vous m’avez déjà dit tout cela. N’en parlons plus. En voilà assez. »

Craignant de le fâcher en poursuivant un sujet qu’il traitait si légèrement, je me contentai de continuer à y rêver, tout en marchant plus vite encore qu’auparavant.

« Il faut que ce bateau soit remis en état, dit Steerforth : je chargerai Littimer d’y veiller, afin d’être sûr que tout soit fait comme il faut. Vous ai-je dit que Littimer était arrivé ?

— Non !

— Eh bien ! il est venu ce matin avec une lettre de ma mère. »

Nos yeux se rencontrèrent ; je remarquai sa pâleur, qui descendait jusqu’à ses lèvres, quoique son regard fût ferme et calme. Je craignis que quelque altercation avec sa mère ne fût la cause de la disposition d’esprit dans laquelle je l’avais trouvé prés du foyer solitaire de M. Peggotty ; j’y fis une légère allusion.

« Oh ! non, dit-il en secouant la tête et en criant un peu. Pas le moins du monde ! je vous disais donc que cet homme est arrivé.