Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/428

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vieille Cour pouvait se réveiller de son assoupissement et présenter sous une forme visible tous les beaux rêves que je fis sur Dora dans son soin, je m’en rapporterais à elle pour rendre témoignage à la vérité de mes paroles.

Je ne parle pas des rêves de ce jour là seulement, mais de ceux qui ma poursuivirent de jour en jour, de mois en mois. Quand je me rendais à la Cour ce n’était pas le moins du monde pour y étudier les affaires, non, c’était uniquement pour penser à Dora. S’il m’arrivait de donner un moment aux procès qui se plaidaient devant moi, c’était pour me demander, quand il s’agissait d’affaires matrimoniales, comment il se faisait que tous les gens mariés ne fussent pas heureux, car je pensais à Dora et s’il était question de succession, je considérais quelles démarches j’aurais faites si tout cet argent m’avait été légué, pour obtenir enfin Dora. Pendant la première semaine de ma passion, j’achetai quatre gilets magnifiques, non pour ma propre satisfaction, je n’y mettais pas de vanité, mais à cause de Dora ; je pris l’habitude de porter des gants paille dans la rue, et c’est alors que je jetai les premiers fondements de tous les cors aux pieds dont j’aie jamais souffert. Si les bottes que je portais dans ce temps-là pouvaient reparaître pour les comparer avec la taille naturelle de mes pieds, elles prouveraient de la manière la plus touchante quel était alors l’état de mon cœur.

Et cependant, estropié volontaire en l’honneur de Dora, je faisais tous les jours plusieurs lieues à pied dans l’espérance de la voir. Non-seulement je fus bientôt aussi connu que le facteur sur la route de Norwood, mais je ne négligeais pas davantage les rues de Londres. J’errais dans les environs des magasins à la mode, je hantais les bazars comme un revenant, je me promenais en long et en large dans le parc : j’en étais éreinté. Parfois, à de longs intervalles et dans de rares occasions, je l’apercevais. Parfois je lui voyais agiter son gant à la portière d’une voiture, parfois je la rencontrais à pied, je faisais quelques pas avec elle et miss Murdstone, et je lui parlais. Dans ce dernier cas, j’étais toujours très-malheureux ensuite de ne lui avoir rien dit de ce qui m’occupait le plus, de ne pas lui avoir assez fait voir toute l’étendue de mon dévouement, dans la crainte qu’elle ne songeât seulement pas à moi. Je vous laisse à penser si je soupirais après une nouvelle invitation de M. Spenlow. Mais non, j’étais constamment désappointé, car je n’en recevais aucune.