Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/432

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arrivés à différentes périodes de décomposition, que j’aperçus en cherchant le numéro de Traddles.

L’apparence générale du lieu me rappela vivement le temps où je demeurais chez M. et mistress Micawber. Un certain air indéfinissable d’élégance déchue qui s’attachait encore à la maison que je cherchais et qui la distinguait des autres, quoiqu’elles fussent toutes construites sur la modèle uniforme de ces essais primitifs d’un écolier maladroit qui apprend à dessiner des maisons, me rappela mieux encore le souvenir de mes anciens hôtes. La conversation à laquelle j’assistai, en arrivant à la porte qu’on venait d’ouvrir au laitier, ne fit qu’ajouter à la vivacité de mes réminiscences.

« Voyons, disait le laitier à une très-jeune servante, a-t-on pensé à ma petite note ?

— Oh ! monsieur dit qu’il va s’en occuper tout de suite, répondit-elle.

— Parce que… » reprit le laitier en continuant, comme s’il n’avait point reçu de réponse, et parlant plutôt, à ce qu’il me parut, d’après son ton et les regards furieux qu’il jetait dans l’antichambre, pour l’édification de quelqu’un qui était dans la maison que pour celle de la petite servante, « parce que voilà si longtemps que cette note va son train, que j’ai bien peur qu’elle ne finisse par prendre la clef des champs, et puis après ça cours après ! Or, vous comprenez que cela ne peut pas se passer ainsi ! » cria le laitier, toujours plus haut et d’un ton plus perçant, du fond du corridor jusque dans la maison.

Rien n’était plus en désaccord avec ses manières que son état de laitier. C’eût été un boucher ou un marchand de rogomme, qu’on lui eût encore trouvé la mine féroce pour son état.

La voix de la petite servante s’affaiblit ; mais il me sembla, d’après le mouvement de ses lèvres, qu’elle murmurait de nouveau qu’on allait s’occuper tout de suite de la note.

« Je vais vous dire, reprit le laitier en fixant les yeux sur elle pour la première fois et en la prenant par le menton : aimez-vous le lait ?

— Oui, beaucoup, répliqua-t-elle.

— Eh bien ! continua le laitier, vous n’en aurez pas demain. Vous m’entendez : vous n’aurez pas une goutte de lait demain. »

Elle me sembla par le fait soulagée d’apprendre qu’elle en aurait du moins aujourd’hui. Le laitier, après un signe