Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/117

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Elle y pensait encore quand je lui dis adieu, et elle me dit, de son petit air câlin, comme si elle parlait à sa poupée, à ce qu’il me semblait :

« Voyons, méchant, ne vous levez pas à cinq heures ! Cela n’a pas de bon sens !

— J’ai à travailler, ma chérie.

— Eh bien ! ne travaillez pas, dit Dora. Pourquoi faire ? »

Il était impossible de dire autrement qu’en riant à ce joli petit visage étonné qu’il faut bien travailler pour vivre.

« Oh ! que c’est ridicule ! s’écria Dora.

— Et comment vivrions-nous sans cela, Dora ?

— Comment ? n’importe comment ! dit Dora.

Elle avait l’air convaincu qu’elle venait de trancher la question, et elle me donna un baiser triomphant qui venait si naturellement de son cœur innocent que je n’aurais pas voulu pour tout l’or du monde discuter avec elle sa réponse.

Car je l’aimais, et je continuai de l’aimer de toute mon âme, de toute ma force. Mais tout en travaillant beaucoup, tout en battant le fer pendant qu’il était chaud, cela n’empêchait pas que parfois le soir, quand je me trouvais en face de ma tante, je réfléchissais à l’effroi que j’avais causé à Dora ce jour-là, et le me demandais comment je ferais pour percer au travers de la forêt des difficultés, une guitare a la main, et à force d’y rêver il me semblait que mes cheveux en devenaient tout blancs.


Je m’empressai de mettre immédiatement à exécution le plan que j’avais formé relativement aux débats du Parlement. C’était un des fers de ma forge qu’il fallait battre tandis qu’il était chaud, et je me mis à l’œuvre avec une persévérance, qu’il doit m’être permis d’admirer. J’achetai un traité célèbre sur l’art de la sténographie (il me coûta bien dix bons shillings), et je me plongeai dans un océan de difficultés, qui, au bout de quelques semaines, m’avaient rendu presque fou. Tous les changements que pouvait apporter un de ces petits accents,