Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/118

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qui, placée d’une façon signifiaient telle chose, et telle autre dans une autre position ; tous ces caprices merveilleux figurés par des cercles indéchiffrables ; les conséquences énormes d’une figure grosse comme une patte de mouche, les terribles efforts d’une courbe mal placée ne me troublaient pas seulement pendant mes heures d’étude, elles me poursuivaient même pendant mes heures de sommeil. Quand je fus enfin venu à bout de m’orienter tant bien que mal, à tâtons, au milieu de ce labyrinthe, et de posséder à peu près l’alphabet qui, à lui seul, était tout un temple d’hiéroglyphes égyptiens, je fus assailli après cela par une procession d’horreurs nouvelles, appelées des caractères arbitraires. Jamais je n’ai vu de caractères aussi despotiques : par exemple ils voulaient absolument qu’une ligne plus fine qu’une toile d’araignée signifiât attente, et qu’une espèce de chandelle romaine se traduisît par désavantageux. À mesure que je parvenais à me fourrer dans la tête ce misérable grimoire, je m’apercevais que je ne savais plus du tout mon commencement. Je le rapprenais donc, et alors j’oubliais le reste ; si je cherchais à le retrouver, c’était aux dépens de quelque autre bribe du système qui m’échappait. En un mot c’était navrant, c’est-à-dire, cela m’aurait paru navrant, si Dora n’avait été là pour me rendre du courage : Dora, ancre fidèle de ma barque agitée par la tempête ! Chaque progrès dans le système me semblait un chêne noueux à jeter à bas dans la forêt des difficultés, et je me mettais à les abattre l’un après l’autre avec un tel redoublement d’énergie, qu’au bout de trois ou quatre mois je me crus en état de tenter une épreuve sur un de nos braillards de la Chambre des communes. Jamais je n’oublierai comment, pour mon début, mon braillard s’était déjà rassis avant que j’eusse seulement commencé, et laissa mon crayon imbécile se trémousser sur le papier, comme s’il avait des convulsions !

Cela ne pouvait pas aller : c’était bien évident, j’avais visé trop haut, il fallait en rabattre. Je recourus à Traddles pour quelques conseils ; il me proposa de me dicter des discours, tout doucement, en s’arrêtant de temps en temps pour me faciliter la chose. J’acceptai son offre avec la plus vive reconnaissance, et, tous les soirs, pendant bien longtemps, nous eûmes dans Buckingham-Street, une sorte de parlement privé, lorsque j’étais revenu de chez le docteur.

Je voudrais bien voir quelque part un parlement de cette espèce. Ma tante et M. Dick représentaient le gouvernement