Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/215

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« Ne croyez-vous pas, ma chérie que vous feriez bien d’en parler à Marie-Jeanne ?

— Oh, non, je vous en prie, David ! Je ne pourrais jamais, dit Dora.

— Pourquoi donc, mon amour ? lui demandai-je doucement.

— Oh, parce que je ne suis qu’une petite sotte, dit Dora, et qu’elle le sait bien ! »

Cette opinion de Marie-Jeanne me paraissait si incompatible avec la nécessité, selon moi, de la gronder que je fronçai le sourcil.

« Oh ! la vilaine ride sur le front ! méchant que vous êtes ! » dit Dora, et toujours assise sur mon genou, elle marqua ces odieuses rides avec son crayon qu’elle portait à ses lèvres roses pour le faire mieux marquer ; puis elle faisait semblant de travailler sérieusement sur mon front, d’un air si comique, que j’en riais en dépit de tous mes efforts.

« À la bonne heure, voilà un bon garçon ! dit Dora ; vous êtes bien plus joli quand vous riez.

— Mais, mon amour…

— Oh non, non ! je vous en prie ! cria Dora en m’embrassant. Ne faites pas la Barbe-Bleue, ne prenez pas cet air sérieux !

— Mais, ma chère petite femme, lui dis-je, il faut pourtant être sérieux quelquefois. Venez vous asseoir sur cette chaise tout près de moi ! Donnez-moi ce crayon ! Là ! Et parlons un peu raison. Vous savez ma chérie (quelle bonne petite main à tenir dans là mienne ! et quel précieux anneau à voir au doigt de ma nouvelle mariée !), vous savez ma chérie qu’il n’est pas très-agréable d’être obligé de s’en aller sans avoir dîné. Voyons, qu’en pensez-vous ?

— Non, répondit faiblement Dora.

— Mon amour, comme vous tremblez !

— Parce que je sais que vous allez me gronder, s’écria Dora, d’un ton lamentable.

— Mon amour, je vais seulement tâcher de vous parler raison.

— Oh ! mais c’est bien pis que de gronder ! s’écria Dora au désespoir. Je ne me suis pas mariée pour qu’on me parle raison. Si vous voulez raisonner avec une pauvre petite chose comme moi, vous auriez dû m’en prévenir, méchant que vous êtes ! »

J’essayai de calmer Dora mais elle se cachait le visage et