Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/214

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Son nom était Parangon. Lorsque nous la prîmes à notre service, on nous assura que ce nom n’exprimait que bien faiblement ses qualités ; c’était le parangon de toutes les vertus. Elle avait un certificat écrit, grand comme une affiche ; à en croire ce document, elle savait faire tout au monde, et bien d’autres choses encore. C’était une femme dans la force de l’âge, d’une physionomie rébarbative, et sujette à une sorte de rougeole perpétuelle, surtout sur les bras, qui la mettait en combustion. Elle avait un cousin dans les gardes avec de si longues jambes qu’il avait l’air d’être l’ombre de quelque autre personne, vue au soleil, après midi. Sa veste était beaucoup trop petite pour lui, comme il était beaucoup trop grand pour notre maison ; il la faisait paraître dix fois plus petite qu’elle n’était réellement. En outre, les murs m’étaient pas épais et toutes les fois qu’il passait la soirée chez nous nous en étions avertis par une sorte de grognement continu que nous entendions dans la cuisine.

On nous avait garanti que notre trésor était sobre et honnête. Je suis donc disposé à croire qu’elle avait une attaque de nerfs, le jour où je la trouvai couchée sous la marmite, et que c’était le boueur qui avait mis de la négligence à ne pas nous rendre les cuillers à thé qui nous manquaient.

Mais elle nous faisait une peur terrible. Noua sentions notre inexpérience, et nous étions hors d’état de nous tirer d’affaire : je dirais que nous étions à sa merci, si le mot merci ne rappelait pas l’indulgence, et c’était une femme sans pitié. C’est elle qui fut la cause de la première castille que j’eus avec Dora.

« Ma chère amie, lui dis-je un jour, croyez-vous que Marie-Jeanne connaisse l’heure ?

— Pourquoi, David ? demanda Dora en levant innocemment la tête.

— Mon amour, parce qu’il est cinq heures, et que nous devions dîner à quatre. »

Dora regarda la pendule d’un petit air inquiet, et insinua qu’elle croyait bien que la pendule avançait.

« Au contraire, mon amour, lui dis-je en regardant à ma montre, elle retarde de quelques minutes. »

Ma petite femme vint s’asseoir sur mes genoux, pour essayer de me câliner, et me fit une ligne au crayon sur le milieu du nez, c’était charmant, mais cela ne me donnait pas à dîner.