Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/219

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développer celles qui lui manquent. Et si vous ne réussissez pas, mon enfant (ici ma tante se frotta le nez), il faudra vous accoutumer à vous en passer. Mais rappelez-vous, mon ami que votre avenir est une affaire à régler entre vous deux. Personne ne peut vous aider ; c’est à vous à faire comme pour vous. C’est là le mariage, Trot, et que Dieu vous bénisse l’un et l’autre, car vous êtes un peu comme deux babies perdus au milieu des bois ! »

Ma tante me dit tout cela d’un ton enjoué, et finit par un baiser pour ratifier la bénédiction.

« Maintenant, dit-elle, allumez-moi une petite lanterne et conduisez-moi jusqu’à ma petits niche par le sentier du jardin : car nos deux maisons communiquaient par là. Présentez à petite Fleur toutes les tendresses de Betsy Trotwood, et, quoiqu’il arrive, Trot, ne vous mettez plus dans la tête de faire de Betsy un épouvantail, car je l’ai vue assez souvent dans la glace, pour pouvoir vous dire qu’elle est déjà naturellement bien assez maussade et assez rechignée comme cela. »

Là-dessus ma tante noua un mouchoir autour de sa tête selon sa coutume, et je l’escortai jusque chez elle. Quand elle s’arrêta dans son jardin, pour éclairer mes pas au retour avec sa petite lanterne, je vis bien qu’elle me regardait de nouveau d’un air soucieux, mais je n’y fis pas grande attention, j’étais trop occupé à réfléchir sur ce qu’elle m’avait dit, trop pénétré, pour la première fois, de la pensée que nous avions à faire nous-mêmes notre avenir à nous deux, Dora et moi, et que personne ne pourrait nous venir en aide.

Dora descendit tout doucement en pantoufles, pour me retrouver maintenant que j’étais seul ; elle se mit à pleurer sur mon épaule, et me dit que j’avais été bien dur, et qu’elle avait été aussi bien méchante ; je lui en dis, je crois à peu près autant de mon côté, et cela fut fini ; nous décidâmes que cette petite dispute serait la dernière, et que nous n’en aurions plus jamais, quand nous devrions vivre cent ans.

Quelle épreuve que les domestiques ! C’est encore là l’origine de la première querelle que nous eûmes après. Le cousin de Marie-Jeanne déserta, et vint se cacher chez nous dans le trou au charbon ; il en fut retiré, à notre grand étonnement, par un piquet de ses camarades qui l’emmenèrent les fers aux mains ; notre jardin en fut couvert de honte. Cela me donna le courage de me débarrasser de Marie-Jeanne, qui prit si doucement, si doucement son renvoi que j’en fus surpris : mais bientôt je