Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/268

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désire de vivre pour me dévouer à l’œuvre que vous m’avez donnée à faire. Je n’en sais pas davantage, et je n’en peux rien dire de plus. »

Elle retint ses larmes qui recommençaient à couler, et, avançant vers M. Peggotty sa main tremblante, elle le toucha comme s’il possédait quelque vertu bienfaisante, puis elle s’éloigna sur la route solitaire. Elle avait été malade ; on le voyait à son maigre et pâle visage, à ses yeux enfoncés qui révélaient de longues souffrances et de cruelles privations.

Nous la suivîmes de loin, jusqu’à ce que nous fussions de retour au milieu des quartiers populeux. J’avais une confiance si absolue dans ses promesses, que j’insinuai à M. Peggotty qu’il vaudrait peut-être mieux ne pas aller plus loin ; elle croirait que nous voulions la surveiller. Il fut de mon avis, et laissant Marthe suivre sa route nous nous dirigeâmes vers Highgate. Il m’accompagna quelque temps encore, et lorsque nous nous séparâmes, en priant Dieu de bénir ce nouvel effort, il y avait dans sa voix une tendre compassion bien facile à comprendre.

Il était minuit quand j’arrivai chez moi. J’allais rentrer, et j’écoutais le son des cloches de Saint-Paul qui venait jusqu’à moi au milieu du bruit des horloges de la ville, lorsque je remarquai avec surprise que la porte du cottage de ma tante était ouverte et qu’on apercevait une faible lueur devant la maison.

Je m’imaginai que ma tante avait repris quelqu’une de ses terreurs d’autrefois, et qu’elle observait au loin les progrès d’un incendie imaginaire ; je m’avançai donc pour lui parler. Quel ne fut pas mon étonnement quand je vis un homme debout dans son petit jardin !

Il tenait à la main une bouteille et un verre et était occupé à boire. Je m’arrêtai au milieu des arbres, et, à la lueur de la lune qui paraissait à travers les nuages, je reconnus l’homme que j’avais rencontré une fois avec ma tante dans les rues de la cité, après avoir cru longtemps auparavant que cet être fantastique n’était qu’une hallucination de plus du pauvre cerveau de M. Dick. ·

Il mangeait et buvait de bon appétit, et en même temps il observait curieusement le cottage, comme si c’était la première fois qu’il l’eût vu. Il se baissa pour poser la bouteille sur le gazon, puis regarda autour de lui d’un œil inquiet, comme un homme pressé de s’éloigner.