Aller au contenu

Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/269

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

La lumière du corridor s’obscurcit un moment, quand ma tante passa devant. Elle paraissait agitée, et j’entendis qu’elle lui mettait de l’argent dans la main.

« Qu’est-ce que vous voulez que je fasse de cela demanda-t-il ?

— Je ne peux pas vous en donner plus, répondit ma tante.

— Alors je ne m’en vais pas, dit-il ; tenez ! reprenez ça.

— Méchant homme, reprit ma tante avec une vive émotion, comment pouvez-vous me traiter ainsi ? Mais je suis bien bonne de vous le demander. C’est parce que vous connaissez ma faiblesse ! Si je voulais me débarrasser à tout jamais de vos visites, je n’aurais qu’à vous abandonner au sort que vous méritez !

— Eh bien ! pourquoi ne pas m’abandonner au sort que je mérite ?

— Et c’est vous qui me faites cette question ! reprit ma tante. Il faut que vous ayez bien peu de cœur. »

Il restait là à faire sonner en rechignant l’argent dans sa main, et à secouer la tête d’un air mécontent enfin :

« C’est tout ce que vous voulez me donner ? dit-il.

— C’est tout ce que je peux vous donner, dit ma tante. Vous savez que j’ai fait des pertes, je suis plus pauvre que je n’étais. Je vous l’ai dit. Maintenant que vous avez ce que vous vouliez, pourquoi me faites-vous le chagrin de rester près de moi un instant de plus et de me montrer ce que vous êtes devenu ?

— Je suis devenu bien misérable, répondit-il. Je vis comme un hibou.

— Vous m’avez dépouillée de tout ce que je possédais, dit ma tante, vous m’avez, pendant de longues années, endurci le cœur. Vous m’avez traitée de la manière la plus perfide, la plus ingrate, la plus cruelle. Allez, et repentez-vous ; n’ajoutez pas de nouveaux torts à tous les torts que vous vous êtes déjà donnés avec moi.

— Voyez-vous ! reprit-il. Tout cela est très-joli, ma foi ! Enfin ! puisqu’il faut que je m’en accommode pour le quart d’heure !… »

En dépit de lui-même, il parut honteux des larmes de ma tante et sortit en tapinois du jardin. Je m’avançai rapidement, comme si je venais d’arriver, et je le rencontrai qui s’éloignait. Nous nous jetâmes un coup d’œil peu amical.

« Ma tante, dis-je vivement, voilà donc encore cet homme qui vient vous faire peur ? Laissez-moi lui parler. Qui est-ce ?