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Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/282

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Fleur, Jip a trop vécu pour faire ce métier : je vous en donnerai un autre.

— Merci ma tante, dit faiblement Dora, mais n’en faites rien, je vous prie.

— Non ? dit ma tante en ôtant ses lunettes.

— Je ne veux pas d’autre chien que Jip, dit Dora. Ce serait trop de cruauté. D’ailleurs, je n’aimerai jamais un autre chien comme j’aime Jip ; il ne me connaîtrait pas depuis mon mariage, ce ne serait pas lui qui aboyait jadis quand David arrivait chez nous. J’ai bien peur, ma tante, de ne pas pouvoir aimer un autre chien comme Jip !

— Vous avez bien raison, dit ma tante en caressant la joue de Dora ; vous avez bien raison.

— Vous ne m’en voulez pas ? dit Dora, n’est-ce pas ?

— Mais quelle petite sensitive ! s’écria ma tante en la regardant tendrement. Comment pouvez-vous supposer que je vous en veuille ?

— Oh ! non, je ne le crois pas, répondit Dora ; seulement, je suis un peu fatiguée, c’est ce qui me rend si sotte ; je suis toujours une petite sotte, vous savez, mais cela m’a rendu plus sotte encore de parler de Jip. Il m’a connue pendant toute ma vie, il sait tout ce qui m’est arrivé, n’est-ce pas, Jip ? Et je ne veux pas le mettre de côté, parce qu’il est un peu changé, n’est-il pas vrai, Jip ? »

Jip se tenait contre sa maîtresse et lui léchait languissamment la main.

« Vous n’êtes pas encore assez vieux pour abandonner votre maîtresse, n’est-ce pas, Jip ? dit Dora. Nous nous tiendrons compagnie encore quelque temps. »

Ma jolie petite Dora ! Quand elle descendit à table, le dimanche d’après, et qu’elle se montra ravie de revoir Traddles, qui dînait toujours avec nous le dimanche, nous croyions que dans quelques jours elle se remettrait à courir partout, comme par le passé. On nous disait : Attendez encore quelques jours, et puis, quelques jours encore ; mais elle ne se mettait ni à courir, ni à marcher. Elle était bien jolie et bien gaie ; mais ces petits pieds qui dansaient jadis si joyeusement autour de Jip, restaient faibles et sans mouvement.

Je pris l’habitude de la descendre dans mes bras tous les matins et de la remonter tous les soirs. Elle passait ses bras autour de mon cou et riait tout le long du chemin, comme si c’était une gageure. Jip nous précédait en aboyant et s’arrêtait