Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/297

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beaucoup. Je le vois encore debout près du canapé où elle repose ; il tient son bonnet à la main ; ma femme-enfant lève sur lui ses grands yeux bleus avec une sorte d’étonnement timide. Souvent, le soir, quand il avait à me parler, je l’emmenais fumer sa pipe dans le jardin nous causions en marchant, et alors je me rappelais sa demeure abandonnée et tout ce que j’avais aimé là dans ce vieux bateau qui présentait à mes yeux d’enfant un spectacle si étonnant le soir, quand le feu brûlait gaiement, et que le vent gémissait tout autour de nous.

Un soir, il me dit qu’il avait trouvé Marthe près de sa maison, la veille, et qu’elle lui avait demandé de ne quitter Londres en aucun cas jusqu’à ce qu’elle l’eût revu.

« Elle ne vous a pas dit pourquoi ?

— Je le lui ai demandé, maître Davy, me répondit-il, mais elle parle très-peu, et dès que je le lui ai eu promis, elle est repartie.

— Vous a-t-elle dit quand elle reviendrait ?

— Non, maître Davy, reprit-il en se passant la main sur le front d’un air grave. Je le lui ai demandé, mais elle m’a répondu qu’elle ne pouvait pas me le dire. »

J’avais résolu depuis longtemps de ne pas encourager des espérances qui ne tenaient qu’à un fil ; je ne fis donc aucune réflexion ; j’ajoutai seulement que, sans doute, il la reverrait bientôt. Je gardai pour moi toutes mes suppositions, sans attacher du reste aux paroles de Marthe une bien grande importance.

Quinze jours après, je me promenais seul un soir dans le jardin. Je me rappelle parfaitement cette soirée. C’était le lendemain de la visite de M. Micawber. Il avait plu toute la journée, l’air était humide, les feuilles semblaient pesantes sur les branches chargées de pluie, le ciel était encore sombre, mais les oiseaux recommençaient à chanter gaiement. À mesure que le crépuscule augmentait, ils se turent les uns après les autres ; tout était silencieux autour de moi : pas un souffle de veut n’agitait les arbres : je n’entendais que le bruit des gouttes d’eau qui s’écoulaient lentement des rameaux verts pendant que je me promenais de long en large dans le jardin.

Il y avait là, contre notre cottage, un petit abri construit avec du lierre, le long d’un treillage d’où l’on apercevait la route. Je jetais les yeux de ce côté, tout en pensant à une foule de choses quand je vis quelqu’un qui semblait m’appeler.