Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/324

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nous nous consultâmes, ma tante et moi, pour savoir ce que nous ferions, car ma tante n’avait nulle en vie de quitter Dora. Hélas ! qu’il m’était facile de monter Dora dans mes bras, maintenant !

Nous étions disposés, en dépit du désir exprimé par M. Micawber, à décider que ma tante resterait à la maison ; M. Dick et moi, nous nous chargerions de représenter la famille. C’était même une chose convenue, quand Dora vint tout déranger en déclarant que jamais elle ne se pardonnerait à elle-même et qu’elle ne pardonnerait pas non plus à son méchant petit mari, si ma tante n’allait pas avec nous à Canterbury.

« Je ne vous adresserai pas la parole, dit-elle à ma tante en secouant ses boucles ; je serai désagréable, je ferai aboyer Jip toute la journée contre vous. Si vous n’y allez pas, je dirai que vous êtes une vieille grognon !

— Bah ! bah ! Petite-Fleur, dit ma tante en riant, vous savez bien que vous ne pouvez pas vous passer de moi !

— Mais si, certainement ! dit Dora, vous ne me servez à rien du tout. Vous ne montez jamais me voir dans ma chambre, toute la sainte journée ; vous ne venez jamais vous asseoir près de moi pour me raconter comme quoi mon Dody avait des souliers tout percés, et comment il était couvert de poussière, le pauvre petit homme ! Vous ne faites jamais rien pour me faire plaisir, convenez-en. »

Et Dora s’empressa d’embrasser ma tante en disant : « Non, non, c’est pour rire, » comme si elle avait peur que ma tante ne pût croire qu’elle parlait sérieusement.

« Mais, ma tante, reprit-elle d’un ton câlin, écoutez-moi bien il faut y aller, je vous tourmenterai jusqu’à ce que vous m’ayez dit oui, et je rendrai ce méchant garçon horriblement malheureux s’il ne vous y emmène pas. Je serai insupportable, et Jip aussi ! Je ne veux pas vous laisser un moment de répit, pour vous faire regretter, tout. le temps, de n’y être pas allée. Mais d’ailleurs, dit-elle, rejetant en arrière ses longs cheveux et nous regardant, ma tante et moi, d’un air interrogateur, pourquoi n’iriez-vous pas tous deux ? Je ne suis pas si malade, n’est-ce pas ?

— Là ! quelle question ! s’écria ma tante.

— Quelle idée ! lui dis-je.

— Oui ! je sais bien que je suis une petite sotte ! dit Dora en nous regardant l’un après l’autre, puis elle tendit sa jolie bouche pour nous embrasser. Eh bien, alors, il faut que vous