Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/370

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

courte durée (les angoisses de l’âme ne sauraient se supporter quand une fois elles ont atteint un certain point ; je sens que i ai dépassé ces limites). Que Dieu vous bénisse ! Qu’il vous bénisse ! Un jour peut-être, quelque voyageur, visitant par des motifs de curiosité, et aussi, je l’espère, de sympathie, le lieu où l’on renferme les débiteurs dans cette ville, réfléchira longtemps, en lisant gravées sur le mur, avec l’aide d’un clou rouillé,

« Ces obscures initiales :
« W. M.


« P. S. Je rouvre cette lettre pour vous dire que notre commun ami, M. Thomas Traddles qui ne nous a pas encore quittés, et qui paraît jouir de la meilleure santé, vient de payer mes dettes et d’acquitter tous les frais, au nom de cette noble et honorable miss Trotwood ; ma famille et moi nous sommes au comble du bonheur. »


J’arrive maintenant à un événement qui a laissé dans mon âme des traces terribles et ineffaçables, à un événement tellement uni à tout ce qui précède cette partie de ma vie que, depuis les premières pages de mon récit, il a toujours grandi à mes yeux, comme une tour gigantesque isolée dans la plaine, projetant son ombre sur les incidents qui ont marqué même les jours de mon enfance.

Pendant les années qui suivirent cet événement, j’en rêvais sans cesse. L’impression en avait été si profonde que, durant le calme des nuits, dans ma chambre paisible, j’entendais encore mugir le tonnerre de sa furie redoutable. Aujourd’hui même il m’arrive de revoir cette scène dans mes rêves, bien qu’à de plus rares intervalles. Elle s’associe dans mon esprit au bruit du vent pendant l’orage, au nom seul du rivage de l’Océan. Je vais essayer de la raconter, telle que je la vois de mes yeux, car ce n’est pas un souvenir, c’est une réalité présente.

Le moment approchait où le navire des émigrants allait