Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 2.djvu/103

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et, malgré moi, j’éprouvais encore quelques-unes des émotions du pauvre enfant fugitif. En apercevant une figure de chaudronnier ambulant, je crus sentir une main noircie sur ma chemise. Quand nous traversâmes Chatham au grand trot, je tendis le cou vers la rue où le vieux juif m’avait acheté ma veste, et je cherchai l’endroit où je m’étais assis au soleil en attendant mon argent. Enfin, nous n’avions plus qu’un relais pour entrer à Londres, et nous passâmes devant le vénérable pensionnat où régnait peut-être encore ce tyran appelé M. Creakle… Ah ! j’aurais donné tout ce que je possédais pour pouvoir descendre de la diligence, aller m’acquitter avec usure des coups de canne que je lui devais et ouvrir la cage à tous ses jeunes prisonniers.

Nous nous arrêtâmes au vieil hôtel de la Croix d’Or, dans Charing-Cross ; ce quartier n’était pas encore une belle place : un garçon me montra la salle commune, puis la fille m’introduisit dans une petite chambre qui sentait le renfermé d’un fiacre et ressemblait à un caveau de famille dans un cimetière. J’éprouvais tout l’embarras de ma jeunesse ; car personne ne paraissait avoir peur de moi, la fille écoutant à peine mes observations