Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 2.djvu/164

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Il y avait dans son air et dans son accent, une douleur passionnée qui m’étonna. Je n’aurais jamais pu m’imaginer que Steerforth fût si peu semblable à lui-même.

« — J’aimerais mieux, » continua-t-il en se relevant et s’appuyant contre la cheminée, « être ce pauvre pêcheur appelé Daniel Peggoty, ou son rustre de neveu, que d’être ce que je suis, vingt fois plus riche, vingt fois plus spirituel, mais voué aux tortures que je viens de subir depuis deux heures, dans ce navire du diable ! »

J’étais si troublé par ce que j’entendais, que je n’eus d’abord que la force de l’observer en silence, le front penché sur le manteau de la cheminée et contemplant le feu d’un œil sombre. Enfin, je lui demandai de m’apprendre ce qui lui était arrivé si inopinément et de me mettre de moitié dans ses chagrins ; mais il se prit à rire, d’un rire amer d’abord, et puis peu à peu avec le ton de sa gaîté naturelle.

« — Bah ! bah ! ce n’est rien, Pâquerette, rien ; je vous disais bien à Londres que j’étais quelquefois une très misérable société pour moi-même. Je viens de me procurer un vrai cauchemar. Dans ces mauvais moments, les contes de ma nourrice me reviennent à la mé-