Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 2.djvu/230

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celui-ci, qui, par parenthèse, tenait à paraître au-dessus de son âge, répondit :

« — Sur mon honneur, Londres creuse l’estomac. On y a faim perpétuellement. Un homme y mange du matin au soir. »

Décidément, ce jeune étudiant se serait cru aussi jeune que moi s’il n’avait pris le rôle d’un ogre. Je tremblai donc en voyant notre potage à la tortue réduit à de si minimes proportions. Par bonheur que le reste du festin suffit pour satisfaire ce gigantesque appétit. Ce fut Steerforth qui présida ; car je me sentais incapable de faire les honneurs. Assis en face de notre président et ayant ainsi la vue sur la porte de l’office, j’eus assez à faire pour combattre les distractions que me donnèrent mon laquais à cinq shellings et la jeune fille qui secondait Mrs Crupp ; l’un allant sans cesse dans le corridor, où j’apercevais son ombre sur la muraille avec le goulot d’une bouteille aux lèvres ; l’autre cassant presque toutes les assiettes en se hâtant de les laver.

J’avais fini par en prendre mon parti, quand le dessert parut sur la table. Nous reconnûmes alors que le laquais à cinq shellings était ivre à ne plus pouvoir articuler une parole. Je lui ordonnai d’aller en bas tenir compagnie à