Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 2.djvu/461

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« — Mais je n’ai pas la moindre force, » dit Dora en hochant la tête. « N’est-ce pas, Jip ?… Ah ! baisez Jip et soyez gentil, David. »

Il était impossible de ne pas baiser Jip sur son museau, comme Dora me l’ordonnait par ses paroles et en même temps par la moue expressive de ses jolies lèvres de rose. Je le baisai donc, et ces mêmes lèvres me récompensèrent de mon obéissance ; puis, quand je voulus renouer le fil de mon grave discours, elle joignit les mains comme un ange suppliant… Un juge de la cour des Prérogatives serait devenu amoureux d’elle dans cette attitude. J’osai cependant lui dire :

« — Ma chère Dora, soyons raisonnables un moment. Promettez-moi seulement de vous exercer à tenir les comptes d’une maison. Je vous ferai présent d’un volume de recettes de cuisine. Si vous saviez faire un plat ou deux, ce serait si utile pour notre ménage ! La vie est désormais un combat pour nous ; il faut vaincre, ma bien-aimée… »

Je m’animais, je déclamais, je gesticulais en orateur… si bien que, cette fois, Dora eut une attaque de nerfs et s’évanouit.

« — Ô douleur ! ô désespoir ! qu’ai-je fait malheureux ? » Je crus l’avoir tuée ; je m’age-