Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/145

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ges : Walter n’osait lui adresser la parole dans la crainte d’interrompre le cours de ses méditations. M. Brogley, qui ne voulait gêner personne, et qui avait un tact exquis des convenances, se promenait sifflant tout bas. Il examinait les objets disposés dans la boutique, frappait sur les baromètres, secouait les boussoles, comme il eût pu faire d’une potion médicinale ; attirait des clefs avec des aimants, regardait dans les télescopes, essayait de se rendre plus familier l’usage des globes, se plantait sur le nez des astrolabes, et s’amusait encore à d’autres récréations scientifiques.

« Walter, dit enfin le capitaine. J’y suis ! j’ai trouvé un moyen !

— Vraiment ? capitaine, dit vivement Walter.

— Écoutez bien, mon garçon. Le fonds de commerce est une garantie ; moi, j’en suis une autre. Votre patron sera l’homme qui avancera l’argent.

— M. Dombey ? » balbutia Walter.

Le capitaine secoua gravement la tête : « Regardez-le, dit-il, regardez mon pauvre Gills. Si l’on vend tout ceci, il en mourra, vous le savez, n’est-ce pas ? Il faut s’accrocher à toutes les branches, et M. Dombey est une solide branche pour vous.

— Une solide branche, M. Dombey ! dit Walter en tremblant.

— Vous allez d’abord courir à votre bureau pour voir s’il y est, dit le capitaine en lui frappant sur l’épaule, et vitement. »

Walter comprit qu’il n’y avait pas à discuter : un coup d’œil jeté sur son oncle l’aurait d’ailleurs bientôt décidé, s’il avait hésité. Il obéit, courut au bureau et revint bientôt tout essoufflé.

M. Dombey était absent. Ce jour-là était un samedi ; et, depuis le matin, il était parti pour Brighton.

« Eh bien, Walter, dit le capitaine qui semblait avoir prévu le cas, nous allons droit à Brighton. Je vous accompagnerai, Walter, je vous accompagnerai, mon garçon. Nous partirons par la voiture du soir. »

S’il fallait absolument avoir recours à M. Dombey, ce qui était terrible à penser, Walter du moins aurait bien préféré faire la démarche seul, abandonné à lui-même, plutôt que de se voir sous la protection d’un homme tel que le capitaine. Car il pensait que M. Dombey ne pouvait attacher beaucoup