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autre camarade, tandis que sa fiancée accourait de Grande-Bretagne, la maison d’à côté, pour payer sa rançon et l’épouser. Ce ne fut pas l’une des moindres déceptions de son âge mûr, de voir ce champ, avec ses aubépines magnifiques, son tapis de pâquerettes et de boutons d’or, disparaître effacé par le chemin de fer.

Charles avait neuf ans quand son père fut appelé de Chatham à Londres. Il lui fallut quitter son excellent professeur et la petite bibliothèque qui renfermait ses meilleurs amis, la joie et le soleil de son enfance maladive. On le fit monter dans la diligence, et il regarda fuir autour de lui les bois, les champs, les châteaux, la vieille cathédrale de Rochester[1]. Le soir qui avait précédé son départ, M. Gibs était accouru au milieu des bagages épars pour lui offrir l’Abeille de Goldsmith en gage de souvenir. Ce fut, avec quelques sandwiches, tout ce qu’il emporta pour se distraire durant ce triste voyage. Il était seul dans l’intérieur et se sentait, dit-il, emballé parmi la paille humide comme un envoi de gibier franc de port.

La pluie tomba tout le temps ; il entrevoyait son existence future à travers ces ondées grises ; et, malheureuse-

  1. Les villes de Strood, Rochester et Chatham forment, à elles trois comme une seule rue, s’étendant sans interruption sur deux milles de longueur.