Page:Dickens - L'embranchement de Mugby, 1879.djvu/24

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misère et de souffrance. Il faut dire que les indispositions continuelles, qui l’empêchaient lui-même de grandir et de se développer, contribuaient à cette humeur mélancolique. Du reste, il s’en laissait aisément distraire ; une promenade dans les beaux quartiers de Londres le transportait de joie.

Les seules visites qu’il eût occasion de faire étaient tantôt à son oncle, tantôt à son parrain. Ce dernier, qui était un fabricant de mâture et de gréements maritimes, vivait dans l’aisance et le traitait avec bonté. Charles payait son écot, quand il allait le voir, par des chansonnettes, lesquelles, en certaine circonstance, ravirent un honnête constructeur de bateaux, hôte de son parrain, au point de lui faire traiter le gamin de véritable prodige. Jamais Dickens n’allait dîner en ville sans s’extasier sur les illuminations des rues, qui restèrent pour lui le plus beau des spectacles. Le frère de sa mère, M. Barrow, habitait la maison d’un libraire récemment décédé, dont la veuve prit en amitié le petit Dickens, qui venait voir souvent son oncle, retenu au lit par une fracture de la jambe ; elle prêtait des livres à l’enfant. À cette époque, il essaya d’écrire des portraits : celui d’une vieille femme sourde qui faisait des hachis délicats au brou de noix, celui d’un vieux barbier qui n’était jamais las de raconter la dernière guerre contre Napoléon,