Page:Dickens - L'embranchement de Mugby, 1879.djvu/23

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parla toujours de lui comme du meilleur des hommes, louant son dévouement aux siens, la tendresse avec laquelle il le veillait pendant ses maladies ; mais on ne peut nier que le manque de ressources et une certaine insouciance naturelle firent que le pauvre homme s’habitua peu à peu à voir son fils aider au ménage, cirer les bottes, faire les commissions, surveiller les petits frères et sœurs (ils étaient six, deux d’entre eux étant morts en bas âge), et qu’il perdit de vue la nécessité de l’instruire.

Le jeune Lamert, qui venait d’achever ses études et qui, en attendant une commission dans l’armée, vivait avec la famille Dickens, avait bien fabriqué un petit théâtre pour son pauvre cousin, dont l’abandon lui inspirait une profonde pitié. Ce jouet était le seul amusement de Charles ; mais on peut croire qu’il ne le consolait pas de tout. Voyant sa sœur Fanny nommée, sur ces entrefaites, élève à l’Académie royale de musique, il sentit comme un coup de poignard qui ne ressemblait en rien assurément à la jalousie, mais qui trahissait néanmoins un retour involontaire sur lui-même. Songez qu’il passait toutes ses heures de loisir à rêver tristement, le regard tendu, à travers la fumée, sur le dôme de l’église Saint-Paul, quand il n’allait pas devant les hospices ou les maisons de charité affronter les plus affreux tableaux de