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LA PETITE DORRIT


partout un fauteuil… et il chante et il rit… ah ! mais il faut l’entendre !

— Il rit ! répéta M. Pancks. Je le crois sans peine. On dirait que chacune de ses dents est toujours en train de rire.

— Mais c’est quand il grimpe au haut des marches de l’autre côté de la cour, dit Mme Plornish, qu’il est drôle à voir, regardant tout autour de lui. Les uns croient qu’il regarde du côté où se trouve son pays, d’autres se figurent qu’il s’attend à voir arriver quelqu’un qu’il ne tient pas à voir, et les autres ne savent que penser. »

M. Baptiste parut deviner vaguement ce que disait Mme Plornish ; ou peut-être avait-il saisi, avec sa rapidité habituelle, le geste presque imperceptible par lequel elle imitait un homme qui regarde à la dérobée. Dans tous les cas, il ferma les yeux et hocha la tête de l’air d’une personne qui a ses raisons pour agir comme il le fait, et il dit en italien que cela ne regardait que lui. Altro !

« Qu’est-ce que cela veut dire, altro ? demanda M. Pancks.

— Hem…. C’est une sorte d’expression qui signifie tout ce qu’on veut, monsieur, répondit Mme Plornish.

— Vraiment ? répliqua Pancks. Dans ce cas, Altro, mon vieux, bonjour. Altro ! »

M. Baptiste avec sa vivacité méridionale répéta le mot plusieurs fois de suite ; M. Pancks avec son flegme britannique le lui renvoya une seule fois. À dater de ce jour Pancks le bohémien s’habitua, en retournant chez lui, fatigué du travail de la journée, à passer par la cour du Cœur-Saignant, à monter tranquillement l’escalier, à entr’ouvrir la porte de M. Baptiste, et, le trouvant chez lui, à lui dire : « Holà, mon vieux, Altro ! » Ce à quoi M. Baptiste répondait avec une foule de signes de tête et de sourires, « Altro, signore, altro, altro, altro ! » Puis à la suite de cette conversation fort laconique, M. Pancks descendait, et continuait son chemin, d’un air satisfait, comme un homme qui vient de se délasser et de se rafraîchir.




CHAPITRE XXVI.

Situation d’esprit de… Personne.


Arthur Clennam devait se féliciter d’avoir pris la sage et ferme résolution de ne pas devenir amoureux de Chérie. Autrement, il se serait trouvé dans une situation d’esprit fort embarrassante, obligé de soutenir contre son propre cœur des luttes dont la plus pénible