Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/368

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« Naturellement ! s’écria Fanny, il ne pouvait pas en être autrement… Voilà pauvre papa affligé !… Maintenant, j’espère que vous me croirez, mademoiselle, lorsque je vous dirai quelque chose ?

— Qu’avez-vous donc, père ? demanda la petite Dorrit, se penchant sur lui. Vous ai-je fait de la peine ? Ce n’est pas moi qui vous cause ce chagrin, j’espère ?

Vous espérez ! Il est bien temps de dire cela !… Oh ! petite… (Fanny s’arrêta pour chercher une épithète assez expressive) … petit être vulgaire !… Oh ! oui, tu es bien une véritable enfant de prison ! »

Le Doyen mit un terme à ces reproches irrités en étendant la main, gémit de nouveau, leva enfin la tête qu’il secoua tristement en regardant la plus jeune de ses filles.

« Amy, je sais que tu es innocente de toute mauvaise intention ; mais tu m’as blessé au cœur, ma fille.

— Innocente de toute mauvaise intention ! interrompit l’implacable Fanny. Allons donc ! Elle est plébéienne de cœur, voilà ce qu’elle est. Son intention est de dégrader la famille !

— Père ! s’écria la petite Dorrit, pâle et tremblante, je suis bien fâchée. Pardonnez-moi, je vous en prie. Dites-moi ce que j’ai fait de mal, afin que je me corrige.

— Ce que tu as fait, petit être prévaricateur ? répliqua Fanny. Mais tu le sais fort bien, je te l’ai déjà dit, ne te charge donc pas encore la conscience en faisant semblant de l’ignorer !

— Silence !… Amy, reprit le père, passant à plusieurs reprises son mouchoir sur son visage, puis le serrant convulsivement dans la main qu’il venait de laisser retomber sur ses genoux ; j’ai fait ce que j’ai pu pour vous maintenir dans une sphère distinguée, j’ai fait ce que j’ai pu pour vous conserver un rang ici. Peut-être ai-je réussi, peut-être n’ai-je point réussi. Peut-être avez-vous remarqué mes efforts, peut-être ces efforts vous ont-ils échappé. Je ne prétends pas décider cette dernière question. J’avais tout perdu fors l’honneur. C’est là le dernier coup qui m’avait été épargné… jusqu’à ce jour. »

À ces mots, sa main crispée se desserra, et il porta de nouveau son mouchoir à ses yeux. La petite Dorrit, agenouillée auprès de son père dans une attitude suppliante, le contemplait d’un air plein de remords. Le Doyen, au sortir de son accès de douleur, serra de nouveau son mouchoir.

« Oui, jusqu’à ce jour, j’avais par bonheur échappé aux humiliations. Au milieu de toutes mes épreuves, j’ai trouvé en moi-même assez de fierté, et chez ceux qui m’entourent assez de respect (si je puis me servir de cette expression) pour échapper à toute humiliation. Mais aujourd’hui, en ce moment, je me sens profondément humilié.

— Naturellement ! On ne pouvait pas s’attendre à autre chose ! s’écria l’irascible Fanny. S’en aller trotter et galoper au bras