Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/152

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— Là !… là !… Je ne connais plus rien aux heures… mais qu’il vienne bientôt et seul avec toi. »

Lorsque le soir je rentrai à la maison et que je fis part à Joe du message dont j’étais chargé pour lui, ma sœur monta sur ses grands chevaux et s’exalta plus que je ne l’avais encore vue. Elle nous demanda si nous la prenions pour un paillasson, tout au plus bon pour essuyer nos souliers, et comment nous osions en user ainsi avec elle et pour quelle société nous avions l’amabilité de la croire faite ? Quand elle eut épuisé ce torrent de questions et d’injures, elle éclata en sanglots et jeta un chandelier à la tête de Joe, mit son tablier de cuisine, ce qui était toujours un très-mauvais signe, et commença à tout nettoyer avec une ardeur sans pareille. Non contente d’un nettoyage à sec, elle prit un seau et une brosse, et fit tant de gâchis, qu’elle nous força à nous réfugier dans la cour de derrière. Il était dix heures du soir quand nous nous risquâmes à rentrer. Alors, ma sœur demanda à brûle-pourpoint à Joe pourquoi il n’avait pas épousé une négresse ? Joe ne répondit rien, le pauvre homme, mais il se mit à caresser ses favoris de l’air le plus piteux du monde, et il me regardait, comme s’il pensait réellement qu’il eût tout aussi bien fait.

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