Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/43

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grande nouveauté, avec les mêmes paroles exactement, et portant ses deux bouteilles comme deux sonnettes muettes. De même, chaque année à la Noël, Mrs Joe répliquait comme elle le faisait ce jour-là :

« Oh !… mon… on… cle… Pum… ble… chook !… c’est bien bon de votre part ! »

De même aussi, chaque année à la Noël, l’oncle Pumblechook répliquait : comme il répliqua en effet ce même jour :

« Ce n’est pas plus que vous ne méritez… Êtes-vous tous bien portants ?… Comment va le petit, qui ne vaut pas le sixième d’un sou ? »

C’est de moi qu’il voulait parler.

En ces occasions, nous dînions dans la cuisine, et l’on passait au salon, où nous étions aussi empruntés que Joe dans ses habits du dimanche, pour manger les noix, les oranges, et les pommes. Ma sœur était vraiment sémillante ce jour-là, et il faut convenir qu’elle était plus aimable pour Mrs Hubble que pour personne. Je me souviens de Mrs Hubble comme d’une petite personne habillée en bleu de ciel des pieds à la tête, aux contours aigus, qui se croyait toujours très-jeune, parce qu’elle avait épousé M. Hubble je ne sais à quelle époque reculée, étant bien plus jeune que lui. Quant à M. Hubble, c’était un vieillard voûté, haut d’épaules, qui exhalait un parfum de sciure de bois ; il avait les jambes très-écartées l’une de l’autre ; de sorte que, quand j’étais tout petit, je voyais toujours entre elles quelques milles de pays, lorsque je le rencontrais dans la rue.

Au milieu de cette bonne compagnie, je ne me serais jamais senti à l’aise, même en admettant que je n’eusse pas pillé le garde-manger. Ce n’est donc pas parce que j’étais placé à l’angle de la table, que cet angle m’en-