Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/183

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tanswill ; sur quoi les six petits garçons susmentionnés applaudissaient prodigieusement.

La cour de l’hôtel offrait des symptômes moins équivoques de la gloire et de la puissance des bleus d’Eatanswill. Il y avait une armée entière de bannières et de drapeaux, étalant des devises appropriées à la circonstance, en caractères d’or, de quatre pieds de haut et d’une largeur proportionnée. Il y avait une bande de trompettes, de bassons et de tambours, rangés sur quatre de front et gagnant leur argent en conscience, principalement les tambours, qui étaient fort musculeux. Il y avait des troupes de constables, avec des bâtons bleus, vingt membres du comité avec des écharpes bleues, et tout un monde d’électeurs, avec des cocardes bleues. Il y avait des électeurs à cheval et des électeurs à pied. Il y avait un carrosse découvert, à quatre chevaux, pour l’honorable Samuel Slumkey. Et les drapeaux flottaient, et les musiciens jouaient, et les constables juraient, et les vingt membres du comité haranguaient, et la foule braillait, et les chevaux piaffaient et reculaient, et les postillons suaient ; et toutes les choses, tous les individus réunis en cet endroit, s’y trouvaient pour l’avantage, pour l’honneur, pour la renommée, pour l’usage spécial de l’honorable Samuel Slumkey, de Slumkey-Hall, l’un des candidats pour la représentation du bourg d’Eatanswill, dans la chambre des communes du parlement du Royaume-Uni.

Longues et bruyantes furent les acclamations, et l’un des drapeaux bleus, portant ces mots : LIBERTÉ DE LA PRESSE, s’agita convulsivement quand la tête rousse de M. Pott fut aperçue par la foule à l’une des fenêtres. Mais l’enthousiasme fut épouvantable quand l’honorable Samuel Slumkey lui-même, en bottes à revers et en cravate bleue, s’avança, saisit la main dudit Pott, et témoigna à la multitude par des gestes mélodramatiques, sa reconnaissance ineffaçable des services que lui avait rendus la Gazette d’Eatanswill.

« Tom est-il prêt ? demanda ensuite l’honorable Samuel Slumkey à M. Perker.

— Oui, mon cher monsieur, répliqua le petit homme.

— On n’a rien oublié, j’espère ?

— Rien du tout, mon cher monsieur ; pas la moindre chose. Il y a vingt hommes, bien lavés, à qui vous donnerez des poignées de main, à la porte ; et six enfants, dans les bras de leurs mères, que vous caresserez sur la tête et dont vous demanderez l’âge. Surtout ne négligez pas les enfants, mon cher