Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/203

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— Comment pourrai-je le prouver ? s’écria Tom, en sautant à moitié de son lit.

— Il ne se doute guère qu’il a laissé dans le gousset droit d’un pantalon enfermé dans cette armoire, une lettre de sa malheureuse femme, qui le supplie de revenir pour donner du pain à ses six,… remarquez bien, Tom, à ses six enfants, tous en bas âge. »

Lorsque le vieux gentleman eut prononcé ces mots avec solennité, ses traits devinrent de moins en moins distincts et sa personne plus vaporeuse ; un voile semblait s’étendre sur les yeux de Tom ; l’antique gilet du vieillard se résolut en un coussin de damas ; ses pantoufles rouges devinrent de petites enveloppes : toute sa personne, enfin, reprit l’apparence d’un vieux fauteuil. Alors la lumière du feu s’éteignit, et Tom Smart, retombant sur son oreiller, s’endormit profondément.

Le matin le tira du sommeil léthargique qui s’était emparé de lui, après la disparition du vieil homme. Il s’assit sur son lit, et, pendant quelques minutes, il s’efforça vainement de se rappeler les événements de la soirée précédente. Tout d’un coup ils lui revinrent à la mémoire. Il regarda le fauteuil ; c’était certainement un meuble gothique, sombre, fantastique, mais il aurait fallu une imagination plus ingénieuse que celle de Tom pour y découvrir quelque ressemblance avec un vieillard.

« Comment ça va-t-il, vieux garçon ? » dit Tom, car il se trouvait plus brave à la lumière, comme il arrive à la plupart des hommes.

Le fauteuil resta immobile et ne répondit pas un seul mot.

« Vilaine matinée ! » continua Tom.

Motus. Le fauteuil ne voulait pas se laisser entraîner à causer.

« Quelle armoire m’avez-vous montrée ? poursuivit Tom. Vous pouvez bien me dire cela ? »

Même rengaine, le fauteuil ne consentait pas à souffler un seul mot.

« Quoi qu’il en soit, il n’est pas bien difficile de l’ouvrir », pensa Tom. Il sortit du lit résolument et s’approcha d’une des armoires. La clef était à la serrure ; il la tourna et ouvrit la porte. Il y avait dans l’armoire un pantalon ; Tom fourra sa main dans la poche et en tira la lettre même, dont le vieux gentleman avait parlé.

« Drôle d’histoire, dit Tom en regardant d’abord le fauteuil, ensuite l’armoire, puis la lettre, et en revenant enfin au fauteuil. Drôle d’histoire ! » Mais il avait beau regarder, cela n’en