Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/225

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et elle tombe dans des attaques de nerfs : il ne bouge pas, il fume confortablement jusqu’à ce qu’elle revienne. C’est ça de la philosophie, monsieur !…

— Ou du moins un très-bon équivalent, répondit en riant M. Pickwick. Cela doit vous avoir été fort utile dans votre vie errante, Sam.

— Utile, monsieur ! vous pouvez bien le dire. Après que je me suis sauvé d’avec le charretier et avant que j’aie rentré avec le roulier, j’ai couché pendant une quinzaine dans un appartement sans meubles.

— Un appartement sans meubles !

— Oui, les arches à sec du pont de Waterloo. Jolie chambre à coucher ; à dix minutes du centre des affaires. Seulement s’il y a quelque chose à lui reprocher, c’est qu’elle est un peu aérée. J’ai vu là des drôles de spectacles.

— Ha ! je le suppose, dit M. Pickwick d’un air plein d’intérêt.

— Des spectacles qui perceraient votre tendre cœur, monsieur, et qui ressortiraient de l’autre côté. On n’y trouve pas les mendiants réguliers ; vous pouvez vous fier à ceux-là pour savoir se tirer d’affaire. De jeunes mendiants, mâles et femelles, qui n’ont pas encore fait leur chemin dans la profession, s’y logent quelquefois ; mais c’est généralement les pauvres créatures sans asile, éreintées, mourant de faim, qui se roulent dans les coins sombres de ces tristes places ; les pauvres créatures qui ne peuvent pas se repasser la corde de deux pence.

— Dites-moi, Sam, qu’est-ce que c’est que la corde de deux pence ?

— C’est une auberge, monsieur, où les lits coûtent deux pence par nuit…

— Pourquoi donnent-ils aux lits le nom de cordes ?

— Que vous êtes donc jeune, monsieur ! Quand les ladies et les gentlemen qui tiennent ces hôtels-là ont ouvert leur bazar, ils faisaient les lits sur le plancher, mais ils ne faisaient pas leurs affaires. Au lieu de prendre un somme raisonnable pour deux pence, les logeurs s’y vautraient la moitié de la journée. Aussi, maintenant, ils ont deux cordes, éloignées d’à peu près six pieds, et à trois pieds du plancher, qui vont tout du long de la chambre, et les lits sont faits avec des grosses toiles tendues en travers.

— Eh bien ?