Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/289

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— C’est un fait, répliqua M. Weller, et je vas vous dire comment je sais ça. Je travaille une voiture d’Ipswich de temps en temps, pour un camarade. Je l’ai menée juste le jour d’après la nuit oùs que vous avez attrapé le rhumatique, et je les ai ramenés juste au négrillon, à Chelmsford, et je les ai disposés droit à Ipswich oùs que le domestique, celui qu’est en violet, m’a dit qu’ils allaient rester pour longtemps.

— Je le suivrai, dit M. Pickwick. Nous pouvons visiter Ipswich aussi bien qu’un autre endroit. Je le suivrai.

— Vous êtes sûr et certain que c’était eux, gouverneur ? demanda Sam.

— Tout à fait, Sammy, tout à fait, car leur apparition est fort singulière. Outre ça, je me confondais de voir un gen’l’m’n si familier avec son valet. Pus qu’ ça ; comme i’s étaient assis derrière mon siége, je leu’s y ai entendu dire qu’ils avaient enfoncé le vieux Bouffe-la-balle.

— Le vieux quoi ? demanda M. Pickwick.

— Le vieux Bouffe-la-balle, mossieu, par quoi, ma coloquinte à couper, qu’ils parlaient de vous, mossieu. »

Il n’y a rien de positivement vil ni atroce dans l’appellation de vieux Bouffe-la-balle, mais cependant c’est une désignation qui n’est nullement respectueuse ni agréable. Le souvenir de tous les torts qu’il avait soufferts de Jingle s’était amassé dans l’esprit de M. Pickwick, du moment où M. Weller avait commencé à parler. Il ne fallait qu’une plume pour faire pencher la balance, et Bouffe-la-balle le fit.

« Je le suivrai, s’écria le philosophe en donnant sur la table un coup de poing emphatique.

— Je conduirai après-demain à Ipswich, mossieu : la voiture part du Taureau, dans White-Chapel ; si vous avez réellement envie d’y descendre, vous feriez mieux d’y descendre avec moi.

— C’est vrai, dit M. Pickwick. Très-bien. Je puis écrire à Bury et dire à ces messieurs de venir me retrouver à Ipswich. Nous irons avec vous. Mais ne vous en allez pas si vite, M. Weller, voulez-vous prendre quelque chose ?

— Vous êtes bien bon, mossieu, répondit M. Weller en s’arrêtant court. Peut-être qu’un petit verre d’eau-de-vie pour boire à vot’ santé et à la bonne chance de Sammy, ça ne ferait pas de mal. »

L’eau-de-vie fut apportée, et M. Weller, après avoir tiré son poil à M. Pickwick et adressé un signe gracieux à Sam, la fit