Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/315

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Quatorze femmes ! Je voudrais que tu les eusses entendues, Sammy ! Elles passaient des résolutions, elles votaient des contributions ; toutes sortes de farces. Bien. V’là ta belle-mère qui m’ travaille pour que j’y aille, et pis que j’ croyais que j’ verrais quelle chose de drôle si j’y allais. Je souscris mon nom pour un billet. Le vendredi soir, à six heures, je m’habille très-galamment, j’ m’emballe avec la vieille femme, et nous arrivons à un premier étage oùs qu’il y avait des tasses à thé et le reste pour une trentaine, avec une pacotille de femmes qui commencent à chuchoter respectivement en me regardant, et comme si elles n’avaient jamais vu auparavant un gentleman de cinquante-huit ans, un peu puissant. Comme ça v’là qu’j’entends un grand remue-ménage sur l’escalier, et vl’à un grand maigre, avec un nez rouge et une cravate blanche, qui caracole dans la chambre et qui chante : « V’là l’ berger qui vient visiter son fidèle troupeau ! » et v’là un gros gras qui vient, avec une grande face blanche, tout en souriant autour de lui, comme un séducteur. Polisson de séducteur, Sammy ! — « Le baiser de paix, » dit le berger, et alors i’ baise les femmes à la ronde, et quand il a fini v’là le nez rouge qui recommence ; et alors j’étais juste à ruminer si je ne ferais pas bien de commencer aussi, espécialement comme il y avait une petite lady ben gentille à côté de moi, quand v’là le thé qu’arrive avec ta belle-mère qu’avait resté en bas à faire bouillir la marmite. Pendant que le thé trempait, quelle fameuse hymne qu’ils ont braillée ! quelles grâces ! et comme i’ mangeaient ! comme i’ buvaient. Je voudrais que tu eusses vu l’ berger travailler dans le jambon et les tartines, Sammy ; j’ n’ai jamais vu un môme com’ ça pour manger et pour boire, jamais ! Le nez rouge n’était pas non plus l’individu qu’ vous aimeriez à nourrir à tant par an, mais i’ n’était rien auprès du berger. Bien. Après que le thé est enfoncé i’ cornent une autre hymne, et puis le berger commence à prêcher ; et fameusement bien encore, qu’i’ prêchait, considérant les tartines qui devaient y être lourdes sur l’estomac. Tout d’un coup i’ s’arrête court et v’là qu’i’ braille : « Oùs qu’est le pécheur ? oùs qu’est le misérable pécheur ! » Sur quoi v’là toutes les femmes qui me regardent et qui commencent à exprimer des gémissements, comme si elles avaient été pour mourir là. Je pensais que c’était peut-être un peu singulier, mais malgré ça je ne disais rien. Tout d’un coup v’là qu’i’ s’arrête court encore, et qu’i’ me regarde fisquement, et qu’i’ dit : « Oùs qu’est le pé-